Elles sont nombreuses, ces dames qui ont pour profession « trieuses de café ». C’est une profession très indispensable quand on doit parler de la qualité du café. Coup de projecteur sur un secteur peu connu du public.
Nous sommes dans la commune de Vulamba à Butembo dans le Nord-Kivu. Plus précisément à Kangothe, à la sortie Nord de la ville. C’est ici que se passe l’usinage du café de Kawa Kabuya, une coopérative établie dans les territoires de Beni et de Lubero, toujours au Nord-Kivu. Dans un vaste hangar, j’ai fait la rencontre des femmes qui me parlent de leur travail de trier le café.
C’était en février 2024, dans le cadre du projet Pasa-NK, un projet du gouvernement congolais financé par le Fida, le Fonds international pour le développement de l’agriculture avec en tête l’ONG belge Rikolto dans la filière café. Trois femmes particulières attirent mon attention. Elles sont exceptionnelles, leurs histoires aussi.
Femmes battantes
Vous vous demandez sûrement pourquoi seulement ces trois femmes, alors qu’il y en avait plusieurs dans ce hangar. C’est parce que ces dames ont une histoire qui m’inspire. Je sais qu’il y en avait d’autres avec le même parcours, mais je ne pouvais pas toutes les interviewer.
J’ai vu à quel point ces dames, dont le travail est peu médiatisé, œuvrent pour la qualité du café arabica congolais. C’est un long processus qui commence par les pépiniéristes, puis les caféiculteurs qui plantent et prennent soin du café, passant par les micro-stations de lavage pour un traitement fully washed homogénéisé, avant que ce café ne finisse à l’usine entre les mains expertes de ces femmes.
Ces dames trient minutieusement les graines de café avant leur exportation vers le marché international. Ici, elles sont au total 138 : à raison de 54 femmes et 84 jeunes filles, majeures bien évidemment.
Georgine Kavira est une femme de 35 ans, trieuse de café à la coopérative Kawa Kabuya depuis 2019. Mère de 8 enfants, elle se bat chaque jour pour leur avenir, et aide son mari grâce aux revenus qu’elle tire de son travail. Elle a suivi une formation du programme Pasa-NK.
Elle explique : « Au cours de notre formation, nous avons appris beaucoup de choses, telles que ne pas entrer dans l’entrepôt avec des enfants, ne pas se parfumer quand on vient travailler, se couvrir la tête… »
Un travail harassant mais qui paie
A y regarder de près, on se rend compte que ce travail est vraiment fatiguant. Car il faut rester courbé toute la journée. Gisèle Kahindo, une ex-couturière donne ici les raisons pour lesquelles elle est devenue trieuse de café : « Je ne peux pas quitter ce travail de trieuse de café. J’aime beaucoup ce travail, car avec la couture il faut payer le loyer, les taxes de l’Etat et à la fin on se retrouve sans rien en poche. Aujourd’hui, ma situation a changé, je n’ai payé aucune taxe, pas de loyer : tout ce que je gagne reste dans ma poche. »
Chance Kavira, jeune fille de 19 ans, est devenue trieuse de café parce que ses parents n’ont pas de moyens pour payer ses frais scolaires. Elle est fière d’avoir ce travail qui lui évite de rester à ne rien faire. Selon elle, une fille qui reste sans travail ou sans aller à l’école, court un grand danger et finit parfois dans la prostitution ou en prison.
Chance est trieuse de café depuis cinq mois et se sent bien dans ce travail. « Avant, je ne pouvais pas avoir quelque chose sans demander à mes parents. Maintenant, je suis capable d’acheter ce que je veux avec mon argent. J’aide mes parents et mes petits frères. J’ai abandonné les études, car les parents n’avaient plus de moyens pour me scolariser. Je me sens bien dans ce travail, car je subviens à mes besoins sans problème », confie-t-elle.
Beaucoup de gens négligent ou ignorent ce maillon dans la filière café. Le triage permet d’avoir un café de qualité. Ces femmes trieuses sont très courageuses. Elles travaillent toute la journée et le soir, elles s’occupent des tâches ménagères. Elles ont mon admiration…