À Goma, des trafiquants d’êtres humains promettent à des jeunes filles un avenir meilleurs à l’étranger. Après avoir été exploitée en Arabie Saoudite, Tunda Sonia, 25 ans, raconte le calvaire dont elle a réussi à s’échapper.
Pour appâter leurs victimes, les trafiquants proposent à des jeunes filles célibataires la perspective d’une vie meilleure en travaillant à l’étranger, souvent dans des pays arabes comme l’Arabie Saoudite. Une fois sur place passeport et téléphone sont confisqués par les « employeurs », pour s’assurer que la nouvelle recrue ne s’échappe pas.
Sous un soleil ardent, à l’ombre d’un parasol et assise sur une chaise en plastique, je rencontre Tunda Sonia. Elle a 25 ans et vend à présent des cartes de crédit téléphonique. Cette jeune fille de Goma a été abusée et maltraitée après son recrutement par les trafiquants. « J’ai été accueillie en Arabie Saoudite par une femme arabe qui avait vécu à Goma. Elle parlait le Swahili. J’avais fait le voyage grâce à l’intermédiaire d’une fausse ONG dont elle était proche. C’est cette ONG qui m’avait approché pour me recruter et qui a facilité le voyage par la suite ».
Changement d’identité
Les trafiquants derrière cette organisation criminelle ont changé le nom et la date de naissance de Tunda sur les papiers de voyage afin de faciliter les formalités. « Mon vrai nom a été changé et remplacé par un nom musulman. Je m’appelais désormais Latifa Aisha ».
Selon la jeune fille, ce réseau mafieux est bien organisé. En Arabie Saoudite, les victimes sont accueillies à l’aéroport par une personne intermédiaire qui connait bien le milieu et qui les escortent jusqu’à la maison de passage ou de travail. « Un fois arrivée dans la maison, la personne qui m’avait acheté m’a demandé de signer un contrat de travail d’une durée de deux ans. Le salaire était de 400 $ par mois. Je ne le savais pas encore mais je ne toucherais jamais un seul dollar… C’était le début de mon exploitation et du travail forcé jours et nuits».
Le début de l’enfer
« Sur place, je reçois un briefing de ma patronne sur l’ensemble des tâches à faire. Avec un ton ferme, elle déclare : Tu es ici pour travailler, faire la lessive, prendre soins des enfants, faire la vaisselle, préparer la nourriture… ».
Tunda doit exécuter toutes les tâches ménagères de la maison nuits et jours sans le moindre jour de repos. Elle n’a aucun contact avec le monde extérieur car son téléphone lui a été confisqué sur le champ. Motif : « éviter la distraction au travail »
« Le travail commençait à 5 heures du matin, jusqu’à 22 heures. Au début, ce boulot me semblait faisable. Mais après quatre mois de travail sans avoir perçu le moindre salaire, je sentais ma colonne vertébrale se desserrer. J’ai perdu le goût de la vie. » dit-elle, les larmes aux yeux.
Sa patronne aime le travail bien fait… A la moindre petite erreur, Tunda doit recommencer à zéro, sous la surveillance des caméras installées un peu partout dans cette grande maison de trois étages.
Simuler la folie pour pouvoir s’échapper
Après quatre mois d’intenses maltraitances, Tunda trouve enfin une solution pour s’en sortir. Ses moyens sont limités : elle est enfermée chaque jour dans l’enclos de la parcelle et n’a pas d’accès au téléphone.
«Parfois, j’avais envie de me suicider. Puis un jour une idée cinglée m’est parvenue. J’ai décidé de me transformer en folle. J’ai commencé à déchirer mes habits, à verser de la peinture noire sur ma peau, à crier, à casser des objets de la maison et même à manger des restes dans la poubelle. Les voisins ont été alertés de ma fausse folie et un avocat de nationalité kenyane, dépêché par une organisation de défense des droits de l’homme en Arabie Saoudite, m’a rendu visite et plaida pour mon retour en RDC ».
Sous pression la pression des organisations de défense des droits de l’Homme, la patronne a été contrainte de payer le voyage retour de Tunda en RDC. Que ce témoignage soit un avertissement pour nos autorités et quelles prennent les mesures qui s’imposent. C’est un devoir de protéger ses citoyens !