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A plus de 30 ans, pourquoi tardent-ils à se marier ?

Dans la ville de ma jeunesse, Butembo (Nord-Kivu), tant que l’on n’est pas encore marié, dans la famille comme en société, quel que soit votre âge, on vous traitera, dans votre dos surtout, de « Kalwana » (jeune homme). On le dit avec dédain. Ce mot Kalwana, au sens péjoratif, signifie : « Un jeune garçon qui n’a pas encore le droit de siéger parmi les hommes de la ville car il n’est pas encore responsable. »  

Pourtant, dans cette ville où le mariage est si adoré que même des jeunes garçons d’à peine 20 ans se marient, il existe aussi des jeunes gens de plus de 30 à 35 ans qui hésitent encore à se marier. Pourquoi ? Eh bien, ils ont leurs raisons.

À Butembo, si vous êtes un jeune entre 25 et 30 ans ou plus, et que vous vous débrouillez bien pour vivre, la question de votre mariage revient régulièrement dans votre entourage (parents, amis, connaissances, collègues, …). Personnellement, j’avais déjà une réponse toute faite à ce genre de questions. Je répondais : « C’est pas encore dans mon projet quinquennal. J’ai mieux à faire. J’y penserai au moment opportun. »

Alors que je débitais encore ces histoires, un proche parent m’a remis à ma place. Il m’a rappelé que de tous les temps, le mariage a toujours été facteur d’une chose : « La capacité financière à supporter une famille pour s’assurer l’honneur social. » Et donc, le mariage n’est pas seulement l’amour.

Société traditionnelle

Jadis, sûrement à l’ère de nos grands-parents et même de nos parents, de quoi avait-on besoin pour estimer qu’un homme est en mesure de prendre femme ? Il suffisait qu’il construise sa propre case et qu’il débroussaille une partie de la savane suffisante pour nourrir sa famille. Ou encore qu’il soit en mesure de se débrouiller seul à la chasse.

Lorsque le garçon construisait une case, on estimait qu’il est capable d’assurer un confort à sa famille. Et avec un champ ou des aptitudes à la chasse, il est capable de nourrir sa famille. A 15 ans, on est apte et assez mur pour le faire. Ce qui revient au même : la capacité économique à supporter une famille !

Aujourd’hui, l’instabilité !

Et en ville, c’est loin d’être le cas. D’abord le cursus scolaire tend à rallonger l’âge avec une chaîne d’apprentissage qui est supposée vous faire réussir dans la vie. Et au final, on atteint l’âge du mariage (25 ans au minimum !) sans moyens financiers car il n’y a pas d’emploi.

Etant surdiplômé comme certains, il devient difficile de plonger dans la vie avec toute l’incertitude du lendemain : on craint les moqueries des proches sur un diplômé d’université qui ne survient pas aux besoins de sa famille. Ça aura servi à quoi, finalement, les longues études si après c’est la cata ? Je pose cette question en passant !

Alors qu’hier, il faillait construire sa maison pour se marier, aujourd’hui ceux qui se marient en ayant déjà leurs propres maisons se comptent sur les doigts d’une main. Et pour la plupart, ce sont des dons des parents. Et même quand on a un job, l’instabilité de certains emplois vous pousse à réfléchir deux fois avant de vous engager dans quoi que ce soit.

La ville et sa logique du mariage

Jadis, en effet, l’agriculture était un emploi aussi stable qu’un numéro matricule. Aujourd’hui, même un contrat à durée indéterminée n’est pas une garantie. Pour n’importe quelle faute, un chef qui ne vous apprécie pas assez, peut user de son autorité pour vous mettre à la porte.

Ce qui fait que, plus on est dans une grande ville, plus on voit l’âge du mariage avancer, sans qu’on le veuille. Car les conditions économiques deviennent de plus en plus exigeantes.

 

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