Jadis réputée pour sa production de produits vivriers venant des champs, la région de Beni est actuellement en crise alimentaire. A la base de cette situation, la présence des présumés rebelles ougandais de l’ADF. Ces rebelles se sont installés dans les forêts et champs de la contrée, empêchant les populations d’accéder à leurs plantations.
Les prix des produits agricoles ont sérieusement augmenté ces deux dernières années. Les ADF ne nous tuent pas qu’à la machette et à l’arme à feu, ils nous usent aussi par la famine qu’ils créent à Beni. La population rurale ne sait plus aller cultiver par peur de tomber dans des embuscades.
En visite à Beni en décembre 2016 pour des raisons familiales, (cela faisait 4 ans que je n’y étais pas allée), j’ai été choquée par la situation. Je n’éprouvais que le dégoût de vivre dans cette ville.
Beni était autrefois une ville où il faisait bon vivre
Cette ville qui, autrefois était le grenier de la région, a changé brusquement de régime alimentaire. Elle n’a plus assez de nourriture pour sa population. Les atouts alimentaires légendaires de Beni ne sont plus qu’un lointain souvenir. Les massacres perpétrés par les rebelles de l’ADF y sont pour beaucoup dans cette disette.
Les membres de ma famille, ainsi que leurs voisins sont très inquiets. « Le prix de toutes les nourritures a augmenté, particulièrement le prix des produits agricoles. La mesure de farine de manioc qui coûtait 200 francs congolais se vend actuellement à 300 », m’explique ma soeur Sheilla.
Kabuo Jacqueline – une voisine exerçant le petit commerce au marché central de Beni- semble quant à elle se résigner, mais espère toujours une issue à cette situation. « Nous n’y pouvons rien. Nous vendons cher parce que nous achetons cher et cela nous met en difficulté car le niveau de la clientèle a baissé mais on fait avec. Nous attendons que le gouvernement nous aide à trouver une solution » soutient-elle avec fermeté.
Des champs infréquentables
Avant 2013 je me souviens, les champs n’étaient pas l’apanage des seuls villageois de la région. A Beni-ville, même si tout le monde n’était pas agriculteur, la quasi totalité des habitants avait au moins un champ dans la périphérie. Cela leur permettait d’avoir certains produits alimentaires pour suppléer aux autres besoins de leurs foyers.
Actuellement cela n’est plus le cas. Même les agriculteurs professionnels qui nourrissaient à l’époque toutes les grandes agglomérations de la région ne peuvent plus accéder à leurs champs par crainte d’être surpris par des égorgeurs , soit parce que l’armée l’a interdit par mesure de prudence.
Muhindo Mutsunga, un déplacé en provenance de la cité de Mbau actuellement dans une famille d’accueil à Beni-ville croit dur comme fer que c’est l’inaccessibilité aux champs qui est à la base de toutes ces perturbations :
«Nous étions les pourvoyeurs des produits agricoles pour les habitants des milieux urbains, mais actuellement nous galérons ensemble parce qu’il n’y a personne aux champs. Y aller c’est prendre de gros risques et mettre sa vie en danger », explique t il.
Et d’ajouter : « La plupart de mes amis sont morts juste par témérité parce qu’ils sont partis aux champs dans des zones qui étaient considérées à haut risque », se souvient cet agriculteur.
Je pense que le gouvernement devrait poser des gestes concrets pour ramener la sécurité dans la zone de Beni. Sa population ne demande pas autre chose : elle avait toujours assuré son autosuffisance alimentaire, jusqu’à ce que les massacres viennent tout déranger à partir de 2014. C’est grâce à la paix que Beni retrouvera son statut de grenier de la partie orientale du pays.