Le blogging effectue actuellement une percée incroyable en RDC. En dehors de Kinshasa, Goma, Mbujimayi et Lubumbashi, c’est autour de la ville de Bukavu de s’exprimer par des blogs. Mitima Delachance est l’un des pionniers du blogging au Sud-Kivu. Habari RDC lui a posé quelques questions.
Habari RDC : Tu es un blogueur de Bukavu, comment se porte le blogging au Sud-Kivu ?
Mitima Delachance : Le blogging commence à se porter mieux aujourd’hui qu’avant à Bukavu. On sent actuellement l’implication des jeunes de Bukavu et du Sud-Kivu en général pour s’exprimer et ressortir ce qu’ils ont en eux. Il y a dix ans ce n’était pas le cas. Actuellement avec les réseaux sociaux, l’internet, la création de certains sites, les jeunes s’intéressent au blogging pour écrire sur ce qui se passe dans leur milieu.
Racontez-nous comment vous êtes devenu vous-même blogueur ?
J’ai commencé le blogging sans savoir que je faisais du blogging. C’était à l’époque de la plateforme WazaVote Burundi portée par la RNW. J’étais entré en contact avec certains responsables de ce projet qui m’ont accepté. C’était difficile au début parce que moi je vivais à Bukavu en RDC, alors que le projet concernait le Burundi. Or, le Sud-Kivu partage sa frontière avec le Burundi et ce qui se passait au Burundi avait des répercussions sur le Sud-Kivu où des réfugiés burundais ont afflué. Il y avait environ 3000 réfugiés burundais dans le camp de Luvungi et j’ai commencé à écrire des billets là-dessus.
Les blogueurs se sentent-ils en sécurité au Sud-Kivu ?
L’insécurité reste le grand défi pour la population et pour les blogueurs au Sud-Kivu. Si vous donnez votre point de vue par des écrits et des images sur Internet et que c’est lu dans le monde entier, vous devenez la première cible des autorités que vous avez critiquées, des groupes armés que vous avez dénoncés, etc.
Je me rappelle que lors de l’attaque de la ville d’Uvira par des Maï-Maï Yakutumba fin septembre dernier, j’étais moi-même à Uvira pour voir la situation. Moi et quelques blogueurs d’Uvira nous avons été les premiers visés par ces rebelles Maï-Maï Yakutumba. C’était difficile de les reconnaître car ils étaient habillés en tenues civiles. Mais j’ai vu des gens me poser des questions du genre : « Qu’est-ce que tu penses de cette attaque des Yakutumba sur Uvira ? Est-ce que tu es pour ou contre ? » Si vous dites : « Je suis contre », alors ils font signe à leurs chefs et c’est dangereux pour vous. Sur place, un ami m’a appelé et m’a dit: « Attention, tu es parmi de mauvaises gens, casses-toi ! » J’ai dû changer de quartier ce soir-là.
Quelle est la perception qu’ont les autorités sur les blogueurs à Bukavu ?
Cela dépend si vous les louez ou si vous les critiquez. Quand vous les critiquez, vous devenez quelqu’un à abattre, vous devenez un diable. Par contre, quand vous les vantez et que vous dites, « Monsieur le gouverneur ou Monsieur le député a bien fait ceci, Monsieur l’officier de l’armée a très bien fait cela », à ce moment-là vous devenez des grands amis.
Combien de blogueurs y a-t-il à Bukavu et sont-ils organisés ?
Je n’ai pas le chiffre officiel, mais je pense que dans la province du Sud-Kivu il y a 24 blogueurs, à raison de 14 à Bukavu et de 10 à Uvira. Parmi eux, il y a quatre femmes. Je ne sais pas combien ils sont du côté du territoire de Fizi. Mais quelques jeunes de là-bas m’avaient contacté une fois. Ce qui prouve qu’il y a l’implication de la jeunesse du Sud-Kivu.
Auparavant chacun faisait ce qu’il voulait dans son coin. Mais aujourd’hui ces jeunes sont intéressés par Habari RDC. Ils lisent et partagent tout ce qui est publié sur les réseaux sociaux d’Habari. Un groupe m’a contacté et on a commencé à se réunir à Bukavu. Ensuite, les jeunes d’Uvira ont eux aussi émis le vœu de se réunir. Du coup, il faut les aider à aller de l’avant. Ils ont tous envie d’appartenir à Habari RDC.