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Chantal Faida : « Mon plus grand rêve est que la paix revienne dans l’est de la RDC ! »

Chantal Faida est défenseuse des droits humains et fondatrice de l’ONG Uwema. Elle originaire du territoire de Kalehe dans la province du Sud-Kivu. Mais c’est dans le Nord-Kivu qu’elle a passé la plus grande partie de sa vie, jusqu’à ce jour. 

Avec son organisation Uwema, Chantal Faida milite pour la paix dans l’est de la RDC. Elle mène des actions en faveur des femmes, des jeunes filles et des enfants vulnérables. Nous vous recommandons cette belle interview qu’elle nous a accordée !

Habari RDC : Bonjour Chantal. S’il vous était demandé de vous décrire vous-même, comment vous décririez-vous ?

Chantal Faida : Si je devais me décrire moi-même je dirais que je suis une femme courageuse, ambitieuse, battante et surtout résiliente. Je suis une femme qui sait affronter les obstacles. 

J’ai connu une enfance très mouvementée à la suite des conflits violents qui ont sévi dans la province du Nord-Kivu où j’ai passé une grande partie de ma vie. J’ai résolu d’être parmi les personnes qui se battent pour apporter des solutions aux problèmes de la société, et non des personnes passives, attentistes ou résignées.

Où avez-vous fait vos études ?

Tout mon cursus scolaire et académique je l’ai passé à Goma et une partie à Kinshasa. Je suis licenciée en sciences économiques et de gestion financière de l’Université libre des pays de grands Lacs. Ensuite, j’ai fait un master en management des organisations et gestion pacifique des conflits à la Haute école de leadership de l’unité à Kinshasa. Mon mémoire, je l’ai écrit sur la participation politique des femmes congolaises.

Qu’est-ce qui vous a marquée dans votre enfance ?

Dans mon enfance, j’observais comment les aînés vivaient et réagissaient face à tous les chocs, notamment les différentes guerres qui survenaient dans le Kivu. Cela me rendait à la fois triste et résiliente. Je me rappelle qu’à l’entrée de l’AFDL en 1996 à Goma, notre famille était obligée de se déplacer vers le territoire de Kalehe au Sud-Kivu. Une partie de ce voyage nous l’avons fait à pieds ; une autre par pirogue. 

A l’époque, nous les enfants étions un peu indifférents face à cette situation. Par contre, pour les parents, les aînés, les grands frères et les grandes sœurs, je voyais que c’était un moment très difficile et plein d’incertitudes. Aujourd’hui, je peux mesurer la peine et le stress qu’avaient les parents lors de ce déplacement forcé qui s’est passé en pleine guerre sanglante dans l’est de notre pays.

Racontez un peu ce qu’il s’est passé 

On a vécu plusieurs conflits armés et crises sécuritaires dans l’est de notre pays, des guerres d’agression, etc. En 2012 par exemple, ce fut l’entrée des rebelles du CNDP. Puis à partir de 2021, le scénario M23 bis est réapparu. A ce jour, on compte plus de 800 000 personnes déplacées dans le Nord-Kivu. Beaucoup de personnes ont perdu leur vie, sans compter les enfants séparés de leurs familles, les femmes devenues veuves… 

La situation est indescriptible. Et nous ne cessons de demander que les autorités congolaises puissent s’atteler à ce que la paix revienne. Car, sans la paix, on ne peut pas parler du développement. Et sans la partie Est du pays, on ne peut pas dire que la RDC est une nation calme. 

Quel était votre rêve d’enfance ?

Devenir une femme entrepreneure ! Eh oui ! Je rêvais d’avoir une grande entreprise avec un personnel immense. Je me disais que je pourrais créer pourquoi pas une compagnie aérienne ! Je désirais cela quand j’étais enfant. 

Hélas, aujourd’hui je fais autre chose. Je suis devenue activiste et militante des droits humains. Je me rappelle que mes parents voulaient que je sois une femme employée par de grandes ONG ou dans l’administration publique. Aujourd’hui, je suis allée au-delà de cela : je suis fondatrice d’une grande organisation de la société civile dénommée Uwema. 

Nous menons beaucoup d’actions en faveur des femmes et des enfants. Par exemple pour les femmes, on donne des formations, des renforcements de capacités en leadership féminin, autonomisation économique.. Et pour les enfants, nous faisons la promotion de l’éducation pour tous par l’octroi des bourses aux enfants vulnérables. Jusqu’à présent, nous avons déjà octroyé environ 115 bourses aux enfants.

Comment passez-vous votre temps libre ?

Mon temps libre, je le consacre entièrement à la lecture. Si j’ai assez de temps, je peux finir de lire un livre de 200 pages en une journée ! La lecture c’est ma passion. Je lis les livres d’histoire ou d’autobiographie, les livres sur l’entrepreneuriat, le leadership, les femmes modèles… J’aime aussi les voyages. Même si les voyages par avion sont un peu stressants pour moi.

On vous a vue aussi chez Habari RDC…

Habari RDC a été pour moi une occasion de rencontrer des personnes engagées et douées en nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cela a renforcé mes connaissances. N’eut été mon passage à Habari, je n’aurais pas eu une meilleure connaissance par exemple dans l’usage des réseaux sociaux, l’écriture web, les droits d’auteur sur les photos… 

Quel conseil pouvez-vous donner aux femmes qui vous lisent ?

Aux femmes et aux jeunes filles, je conseille de travailler en réseaux. Ne pas rester seule dans son coin. Elles doivent aussi beaucoup se former en participant chaque année à des formations de haut niveau. Ça peut être des formations payantes ou gratuites. Elles doivent se former, s’informer et partager les connaissances.

Un autre conseil c’est de se soutenir en tant que femmes. Ne pas vexer les autres. Se remettre en question, accepter les critiques constructives…

Avez-vous le sentiment d’avoir accompli tous vos rêves ?

Non, je n’ai pas encore tout accompli. Mon plus grand rêve aujourd’hui est de contribuer à une RDC pacifiée. Je ne peux pas dire que j’ai déjà fait quelque chose tant que je peux voir sous mes yeux toutes ces personnes déplacées, ces massacres, ces atrocités, ces guerres d’agressions… Cela me bouleverse. Je me demande toujours si j’ai fait ce que je devrais faire en tant que citoyenne congolaise.

Un autre rêve pour moi est d’accroître la participation de la femme dans les questions de société. J’aimerais voir les femmes dans tous les secteurs. Aujourd’hui, en politique on a moins de 15 % de femmes à l’Assemblée nationale. Voilà pourquoi, avec mon organisation Uwema, je me consacre à former les femmes pour qu’elles soient davantage engagées dans les questions politiques. 

 

*Cet article est produit en partenariat avec  l’ONG Coopération Education Culture (CEC – Bruxelles), l’Institut pour la Démocratie et le Leadership politique (IDLP-Kinshasa) et l’association Investing in People (IIP – Kinshasa) dans le cadre du programme BOKUNDOLI. En savoir plus sur le programme Bukundoli

 

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