Il existe 13 000 chefs de rues, rien que dans la ville de Kinshasa. J’ai eu cette information lors d’un atelier sous forme d’un hackathon, où nous avons réfléchi avec des spécialistes, des députés et des élus municipaux sur l’insécurité urbaine et la gestion des déchets. Organisée par l’Institut Ebuteli, l’initiative avait pour ambition de dégager des idées à transformer en projets de loi pour résoudre ces questions.
Les chefs de rues ne sont pas reconnus par les textes légaux, pourtant leur apport sur les questions de salubrité et de sécurité est essentiel. La plupart d’entre eux exigent d’être rémunérés. Ce qui, si on appliquait le Smig, coûterait à l’État pas moins de 180 millions de dollars par an (pour la seule ville de Kinshasa). Et ce, sans compter les frais de fonctionnement.
En RDC, le nombre de fonctionnaires de l’Etat est passé de 1.4 millions à moins de 800.000 agents. 67% du budget de l’Etat va dans les frais de fonctionnement des institutions dont 29% pour les salaires. Ce qui ne laisse presque rien pour des projets d’investissements.
Avec le modèle socialiste actuel d’Etat providence qui est censé pourvoir à tous les besoins, difficile de faire comprendre que ce modèle nous fera tourner en rond pendant des années. J’ai posé cette question : où la ville de Kinshasa (dont le budget atteint péniblement 500 millions de dollars) trouvera-t-elle 180 millions pour payer les chefs de rues ? La réponse que certains m’ont donnée est celle-ci : « Ah mon frère ! Il y a tellement de détournements en millions de dollars dans ce pays. Cela prouve qu’il y a de l’argent en abondance et c’est possible de payer les chefs de rues. »
La congolité s’est invitée au débat
Saviez-vous que certaines rues à Kinshasa sont entièrement peuplées par des personnes qui ne sont pas de nationalité congolaise ? Dans notre atelier, certains disaient qu’un non-Congolais ne peut pas être chef de rue à Kinshasa. Que faire alors dans ce genre de cas, sachant que la question de la nationalité irrite et crée de nombreux remous ?
C’est pourtant bel et bien une réalité dans certaines rues de Kinshasa comme à la Gombe ou à Beaumarchais. La question des non-originaires (appelons cela comme ça) a remis sur la table celle des non-natifs (j’ai entendu des concepts du genre : le chef de rue doit être né Congolais et avoir grandi sur la rue en question. Bien que cela ait été mis de côté, cela souligne les différentes dynamiques sociales qui caractérisent la question identitaire à Kinshasa.
L’option d’une reconnaissance officielle sans salariat semble rencontrer de la résistance. Pourtant, certains mécanismes peuvent aider à autonomiser les chefs de rue, sans en faire des fonctionnaires rémunérés.