Crédit : photo tiers
article comment count is: 0

Déploiement des armées étrangères en RDC : les craintes du blogueur Benjamin Babunga

L’Histoire nous apprend le passé, pour comprendre le présent et mieux préparer le futur ! Benjamin Babunga est l’un des blogueurs les plus suivis dans la région des grands Lacs. Il compte plus de 250.000 followers sur les réseaux sociaux. Tous les jours, il présente une éphéméride, liée à une date de l’histoire, récoltant des milliers d’interactions. 

Alors que la Monusco est au Congo depuis 23 ans avec un bilan négatif, la RDC continue à recevoir sur son sol de nouvelles troupes étrangères. Il s’agit des armées de l’Ouganda, du Kenya, de la Tanzanie, du Burundi, du Sud Soudan et de l’Angola. Spécialiste de l’histoire du Congo, Benjamin Babunga exprime ses craintes sur l’issue de toutes ces missions de maintien de la paix en RDC. Il nous en parle dans cette interview. 

Habari RDC : quelle lecture faites-vous de la situation actuelle dans l’est de la RDC ?

Benjamin Babunga : c’est une situation assez préoccupante. Même si la RDC a connu des moments de troubles depuis son accession à l’indépendance, les rébellions muléliste des années 1963-1964, jamais le pays n’a connu une situation comme celle que nous vivons aujourd’hui. 

Certains diront que j’exagère, mais je le dis en me basant sur des faits. Par exemple, la création des zones tampons qui échappent au contrôle du gouvernement. Voir des armées étrangères venir tenir des rassemblements sur le territoire congolais, aux côtés des rebelles du M23, sans la présence des autorités congolaises… c’est une situation inédite. 

Sur le plan économique et social, la situation n’est pas du tout rose. Les conditions sociales des Congolais se sont dégradées davantage, les flambées des prix, etc., faisant que la situation d’il y a quatre à cinq ans soit meilleure que celle que nous vivons actuellement. Du côté de la politique aussi, il y a de plus en plus de manœuvres politiciennes dont le seul objectif est le maintien au pouvoir d’un groupe de gens, sans vraiment se soucier des difficultés économiques et sociales des populations. 

Un tel niveau de déploiement de forces étrangères s’est-il déjà produit avant ? Et quelles en ont été les conséquences ? 

Il y a eu des déploiements des forces étrangères en RDC dans le passé, mais c’est plutôt le mécanisme par lequel le dernier déploiement se fait qui inquiète. Pour rappel, un mois tout juste après l’accession du pays à l’indépendance, le Congo a vu déferler sur son territoire des armées étrangères, faisant partie de l’ONUC (Opération des Nations-Unies au Congo). 

Environ 40 ans après, il y a eu encore un deuxième déploiement d’une autre opération de l’ONU : la Monuc (actuellement Monusco), avec environ 20.000 hommes de forces étrangères. Mais ce dernier déploiement inquiète par le fait du mandat qui a été assigné aux forces de l’EAC (East African Community) qui se déploient dans certaines des zones jadis occupées par le M23. 

Le gouvernement congolais communique peu sur ce qui est attendu des militaires de l’EAC. Il y a eu parfois quelques contradictions entre le ministère de l’Information et celui des Affaires étrangères. Quel est leur rôle ? Combien de temps vont-ils rester en RDC ? Vont-ils rendre aux forces loyalistes ces localités qui viennent de leur être cédées par les éléments du M23 ? Autant de questions qui malheureusement restent sans réponse. Et c’est ça qui inquiète.

Les minerais de la technologie de demain seraient-ils la malédiction du Congo ?

La malédiction du Congo, je ne pense pas. Je vais peut-être vous surprendre en disant que je me suis toujours inscrit en faux contre ceux qui véhiculent ce message selon lequel le Congo est ce qu’il est à cause de ses minerais et de son sous-sol riche. Des pays africains au sous-sol riche existent. Mais contrairement au Congo, ils profitent de leurs richesses. C’est le cas par exemple du Botswana, de l’Afrique du Sud, etc. 

Il y a un travail de fond qui doit être fait au niveau de la gouvernance chez nous, et cela aura un impact sur nos minerais. Tant que le pays n’a pas jeté de bases solides de gouvernance, les prédateurs de tout bord viendront et organiseront des commerces parallèles de prédation des richesses. 

Et comme vous le savez, ces prédateurs ont intérêt à ce que le chaos actuel perdure, pour continuer à opérer en toute quiétude.

Vous refusez l’appui des armées étrangères. À votre avis, l’armée de la RDC peut-elle, seule, mettre fin à cette situation dans l’Est ?

Je pense que non, malheureusement. Plusieurs localités ont été perdues au profit des rebelles du M23. Et c’est bien dommage que nous n’ayons pas su mettre en place une armée véritablement républicaine au cours des 20 dernières années. 

Si nous étions sérieux avec nous-mêmes, nous nous serions servi des guerres du passé dans les montagnes du Kivu pour développer des stratégies militaires adaptées à ce contexte particulier. Rien de tel n’a malheureusement été fait, 20 ans durant ! 

Selon votre lecture de histoire de la région, quels sont les meilleurs moyens pour mettre fin à la guerre ?

Cette région est appelée à se développer, en mettant ensemble les forces des différentes nations. C’est dommage que l’on soit en train de s’entretuer parce que ressortissants de tel ou tel autre pays. Mais je reste convaincu que dans les 30 ou 50 prochaines années, nos enfants regarderont ces guerres comme une histoire ancienne. 

Nos Etats doivent collaborer ensemble, mettre des projets communs de développement, laisser nos différents peuples se mouvoir d’un pays à un autre… bref vivre en parfaite symbiose comme peuples d’une seule région.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion