Sous le ciel souvent menaçant de Goma, des milliers d’enfants grandissent aujourd’hui loin de leur maison, de leur école, de leurs repères. Ils vivent dans des camps de fortune, faits de bâches et de bois, dressés à la hâte pour accueillir les familles fuyant les violences des groupes armés qui ravagent l’est de la République démocratique du Congo.
Parmi ces enfants, il y a Grâce, 10 ans, qui ne se souvient plus très bien de la couleur de sa maison. Elle se souvient surtout du bruit des balles, des cris dans la nuit, et du long chemin parcouru à pied jusqu’au camp de Bulengo, à quelques kilomètres de Goma. Depuis, elle partage une tente avec six autres membres de sa famille. La pluie s’infiltre souvent, la nourriture manque, mais elle garde un sourire timide quand on lui parle d’école.
« Je veux devenir docteure », dit-elle, assise sur une natte poussiéreuse. « Pour soigner les gens qui fuient, comme nous. »
Dans ces camps, l’enfance est suspendue. Peu de jeux, peu de rires. L’accès à l’éducation reste très limité : les écoles improvisées, souvent sous des tentes, manquent cruellement de matériel, de livres, et surtout d’enseignants. Les enfants doivent parfois marcher des kilomètres pour assister à des cours dispensés par des bénévoles ou des ONG. Et beaucoup n’y vont tout simplement pas, contraints d’aider leurs familles à survivre.
À cela s’ajoutent des dangers omniprésents : exploitation, maladies, abus. Les plus vulnérables sont souvent les plus oubliés. Pourtant, ils sont aussi les porteurs d’un avenir qui réclame d’être reconstruit sur les ruines de la violence.
Certaines organisations locales et internationales redoublent d’efforts pour apporter un peu de normalité à ces enfances bousculées. Elles distribuent des kits scolaires, montent des espaces sûrs pour que les enfants puissent jouer, dessiner, parler. Elles écoutent leurs histoires, leurs peurs, leurs rêves.
Car même sous les tentes, même loin de chez eux, ces enfants continuent d’imaginer un demain différent.
« Je veux rentrer à la maison », murmure Grâce. « Et que tout s’arrête. »