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RDC : quand il y a trop de disputes, la paix s’enfuit !

Dans l’est de la RDC, l’accès à la terre est devenu une bombe à retardement. Derrière chaque hectare se cache un potentiel conflit. Titres fonciers douteux, chefs coutumiers sous pression, justice à deux vitesses… Résultat : des familles et des communautés divisées, la paix sociale menacée. Entre prédation, corruption et injustice, ce chaos foncier alimente les conflits interethniques.

Comme on le sait, le Congo regorge de larges terres arables dans sa partie Est. Du Maniema, passant par le parc national de Kahuzi Biega, jusqu’à Walikale dans le Masisi, le paysage est fait de collines verdoyantes, de forêts majestueuses et de vallées fertiles. Pourtant, derrière ce décor digne d’être présenté sur des dépliants touristiques, c’est un véritable casse-tête foncier : papiers falsifiés, justice à géométrie variable…

Prenons le cas du groupement de Kalonge, dans le territoire de Kalehe en province du Sud-Kivu. Ici, plusieurs familles se disputent les mêmes hectares depuis plus de 10 ans. Chacune brandit un document officiel, signé, « tamponné » et authentifié par des autorités différentes. Les conflits fonciers opposent des communautés locales aux grands concessionnaires. Ces conflits sont exacerbés par une gouvernance foncière défaillante qui menace la cohabitation pacifique. Cela engendre de véritables tragédies, notamment des incendies d’habitations, mais aussi des morts et des blessés. Tout ça pour quelques arpents de terre disputés.

Quand la corruption met à mal la paix

La réalité est la suivante : l’accès à la terre est souvent décidé non par le droit, mais par la capacité à graisser la patte. Un terrain peut être vendu trois fois à trois acheteurs différents. Classique ! Un chef coutumier « redécouvre » les limites de sa chefferie en période électorale… Presque folklorique !

Et lorsque la justice est saisie, elle prend son temps. Parfois, tellement de temps que les parties en conflit décident d’en finir à la machette. Cela commence par une dispute entre deux cousins, puis les familles s’y mêlent, ensuite les clans, les tribus. Au final, le conflit foncier dégénère en affrontements interethniques. Ajoutez un zeste de manipulation politique et vous obtenez… un conflit armé !

L’est de la RDC en état d’urgence foncière ?

En Ituri, au Nord-Kivu ou encore au Tanganyika, les litiges fonciers alimentent une grande partie des tensions intercommunautaires. Ce n’est plus qu’une histoire de propriété, c’est une question d’identité, de survie, de dignité. Car, pour beaucoup, perdre sa terre, c’est perdre sa vie.

Et que dire des multinationales ou des élites locales qui obtiennent des concessions de dizaines de milliers d’hectares sur des terres habitées depuis des générations ? Là, on ne discute même plus : on dégage, ou on « négocie » à coup de balles ! Et les bulldozers viennent tout raser. Il y a urgence à mener une réforme foncière sérieuse et transparente. Avec une cartographie numérique accessible à tous, il est temps de déterminer qui possède quoi dans cette partie du pays.

Les communautés ont besoin de plus de transparence et d’une justice véritable. Les juridictions foncières locales devraient être capables d’agir rapidement et de manière équitable. Et surtout, les « enveloppes » ne devraient pas faire partie du processus. Il faut également que dans la sensibilisation des communautés, on change la perception selon laquelle la terre ne vaut pas plus que la vie humaine.

Des mécanismes de médiation communautaire devraient être renforcés pour calmer les tensions avant qu’elles ne dégénèrent. Cesser d’exclure les jeunes et les femmes des processus de prise de décisions foncières. Ils doivent être au centre des solutions et non des spectateurs des querelles de vieux oncles.

La paix en RDC ne viendra pas seulement par les accords de cessez-le-feu ou les discours des grands sommets. Elle commence aussi par une chose aussi basique et cruciale qu’est la terre. Tant que posséder un champ est synonyme de risquer sa vie ; tant que le cadastre n’est que l’ombre de lui-même, la cohabitation pacifique restera une illusion. Mais si l’État, les communautés et la société civile unissent leurs efforts, alors oui, on pourra enfin cultiver la terre… et la paix.

 

 

*Ce contenu de sensibilisation est produit dans le cadre du ‘Peace Project’’, un projet de paix mené dans l’est de la RDC, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, en partenariat avec l’ONG néerlandaise Mensen Met Een Missie (MMM). Ensemble, nous encourageons les communautés à adopter et à partager davantage de récits alternatifs et inclusifs, afin de promouvoir la paix sociale, le dialogue et le vivre-ensemble. Cette initiative s’oppose aux discours de haine, à la manipulation et à la violence, qui fragilisent le tissu social.

 

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