Les fortes pluies qui se sont abattues sur Kinshasa ces dernières semaines ont, une fois de plus, mis à nu la vulnérabilité de la capitale congolaise face aux inondations. Entre quartiers engloutis, pertes humaines et dégâts matériels, les habitants dénoncent l’inaction des autorités, dans un contexte d’urgence humanitaire grandissante.
Une catastrophe devenue chronique
Ce n’est plus une surprise : à chaque saison des pluies, Kinshasa, mégapole de plus de 15 millions d’habitants, se transforme en champ de ruines. Routes effondrées, maisons emportées, éboulements meurtriers : les dégâts s’enchaînent avec une régularité alarmante.
« Chaque année, c’est la même chose. On enterre nos proches, on reconstruit, et personne ne vient nous aider », déplore un habitant de Selembao, l’une des communes les plus touchées.
Selon les chiffres provisoires, les dernières inondations auraient fait plus de 50 morts, des centaines de blessés et des milliers de déplacés, principalement dans les communes de Ngaliema, Mont-Ngafula, Selembao et Lemba.
Des causes structurelles ignorées
Les experts sont unanimes : ces catastrophes sont aggravées par une urbanisation anarchique, l’absence de plan d’aménagement du territoire et le manque d’entretien des canalisations et collecteurs d’eau.
- Les constructions en zones inondables continuent, souvent sans permis.
- Les systèmes de drainage sont obstrués par les déchets.
- L’érosion des collines environnantes provoque glissements de terrain et coulées de boue.
Malgré plusieurs promesses de réhabilitation des infrastructures hydrauliques, rien de durable n’a été entrepris depuis des années.
Une colère qui monte
Face à la répétition des drames, la colère des sinistrés gronde. Dans plusieurs quartiers, des protestations ont éclaté pour dénoncer l’absence de secours et le silence des autorités locales. Des manifestants ont bloqué des routes, réclamant des abris, de l’eau potable et des aides alimentaires.
« Ils viennent seulement faire des photos pour la télé. Après, on nous oublie », accuse une mère de famille ayant perdu sa maison dans la commune de Matete.
La méfiance grandit envers les institutions. Certains sinistrés dénoncent aussi une distribution opaque de l’aide humanitaire, parfois accaparée par des intermédiaires corrompus.
Le gouvernement tente de réagir… sous pression
Face à la pression médiatique et à l’indignation populaire, le gouvernement congolais a dépêché des ministres sur le terrain et promis la mise en place d’un fonds d’urgence pour les victimes. Des équipes de la protection civile ont été mobilisées, mais leur action reste limitée par le manque de matériel et de coordination.
Le Président Félix Tshisekedi, en déplacement, a exprimé sa « compassion » et ordonné une enquête sur les responsabilités administratives liées aux constructions illégales.
Mais sur le terrain, ces déclarations sont accueillies avec scepticisme.
Une capitale à l’épreuve du climat
Kinshasa est désormais confrontée à une réalité climatique inévitable : la fréquence et l’intensité des pluies augmentent. Sans investissements massifs dans les infrastructures, une meilleure gestion des déchets et une planification urbaine rigoureuse, la situation risque de s’aggraver dans les années à venir.
La capitale congolaise illustre tragiquement le sort de nombreuses villes africaines, prises en étau entre croissance urbaine incontrôlée et impacts du changement climatique.