Après la pluie du 05 avril 2025 à Kinshasa, je décide de sortir de chez moi pour faire quelques courses. Malheureusement, la route principale jouxtant mon avenue est bouchée. Un éboulement sur l’avenue du Tourisme longeant le palais présidentiel le long du fleuve Congo a bloqué la voie. Plus loin dans le quartier Ndanu, à Limete, une amie découvre que son salon s’est transformé en lac. Les meubles flottent à la surface ; et l’odeur nauséabonde de fosses septiques remonte jusque dans sa gorge.
Ce matin-là, comme la nuit précédente, l’eau issue des crues de la rivière Ndjili s’est invitée dans de nombreuses habitations, ne laissant pas d’autre choix à plusieurs habitants que de passer la nuit à la belle étoile. Mais ce drame, loin d’être une surprise, est l’aboutissement d’un problème qui était pourtant prévisible. Savez-vous qu’avant d’être la capitale de la République démocratique du Congo, Kinshasa fut autrefois… un lac ? Oui, un véritable lac préhistorique, aux fonds instables et à la géologie fragile. Cette vérité, tapie dans l’ombre de multiples interrogations, explique en partie, les déboires répétés de cette ville punie par la nature.
Lorsque le progrès a remplacé la mangrove
Kinshasa, c’est l’histoire d’une ville construite sur une plaine alluviale, un sol meuble, chargé d’eau et de mythes. Alors que le béton, synonyme de progrès de l’homme a remplacé la mangrove, les constructions anarchiques ont pris le dessus aux abords des rivières qui servaient de bassin de rétention naturelle au trop-plein d’eau. Des collines, alors vierges comme Mont-Ngafula, Binza, Selembao, ont été déboisées, exposant la terre nue, aux ravages des pluies. Le résultat est sans appel : chaque averse se transforme inexorablement en inondations et coulées de boue.
Dans ce Kinshasa que l’on dit moderne, l’eau n’a quasiment plus où aller. Coincée entre des murs, des avenues saturées et des canalisations bouchées par des déchets, elle tente de se frayer son propre chemin, dans un chaos qu’elle n’a pourtant pas créé. Et chaque année, elle revient, plus forte, plus large et plus destructrice.
La question n’est plus de savoir pourquoi Kinshasa est inondée, mais « jusqu’à quand » pourra-t-elle encore tenir ? Car en construisant sur un ancien lac, sans planification, Kinshasa a posé les fondations de sa propre destruction. Si l’histoire ne nous l’a pas enseigné, c’est la nature qui le fera.