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L’histoire d’un agriculteur du « triangle de la mort »

Etienne (son nom a été changé), un jeune d’une trentaine d’années originaire de Kabongo, vit aujourd’hui à Kolwezi et enchaine les petits boulots. Cet ancien agriculteur prospère a vu son activité péricliter en partie à cause de la mauvaise gestion de l’Etat.Découragé par la Révolution de la modernité, il fait partie de ces nombreux jeunes qui ont décidé d’émigrer vers les centres urbains tandis que d’autres choisissent de rallier les rebellions qui sèment la mort dans le Nord de l’ex-Katanga. Il nous raconte son histoire.

A son passage à Kinshasa, Etienne est chômeur bien qu’il possède une expérience de 15 ans dans la culture du maïs, du manioc et de l’arachide. Son champ, abandonné dans le Nord de l’ex province du Katanga est le symbole du désespoir qui anime les jeunes de cette contrée que les agences humanitaires surnomment « Le Triangle de la mort », du fait de la forte activité des groupes rebelles.

La politique de la caméra

Des équipes de télévision viennent régulièrement filmer des chantiers (routes, ponts, écoles) en compagnie d’autorités politiques qui vantent les mérites de la Révolution de la modernité. Mais lorsque les caméras s’en vont, tout s’arrête confie Etienne. Les agriculteurs déposent leur récolte à la gare de Kabongo, dans l’attente d’un hypothétique train en provenance de Kamina, ville de transit qui relie la contrée aux grands centres de distributions (Lubumbashi, Kalemie et Mwene-ditu). «  J’ai entreposé 600 kilos de manioc et d’arachides à la gare, attendant le train. Avant, il y avait deux rotations par semaine, aujourd’hui, la voie est tellement mauvaise qu’il y a en moyenne, un seul train par trimestre ! ». Etienne raconte que des marchandises peuvent passer six, douze voire plus de dix-huit mois à la gare et pourrissent faute d’avoir été évacuées à temps. Les agriculteurs découragés sont souvent obligés de brader les prix ou d’abandonner leur activité. « De nombreux jeunes sont devenus creuseurs clandestins dans des mines, alors que d’autres mendient ou volent dans les grandes villes », dit-il.

Une Jeunesse sacrifiée

C’est ainsi que beaucoup vont grossir les grands centres urbains de la province, à la recherche d’un emploi. Les moins chanceux rejoignent les mouvements rebelles car, prendre les armes est devenu un exemple pour rapidement s’enrichir. Tshindja Tshindja (mot signifiant, « l’égorgeur »), un rebelle arrêté puis incarcéré à Kinshasa, fait partie de cette génération de jeunes qui ont abandonné le travail de la terre pour gagner leur vie par le sang.  « Lorsque les nouvelles locomotives de la SNCC sont arrivées, on a tous pris espoir. Les tracteurs et autres engins s’étaient déployés un peu partout pour réhabiliter les routes et les infrastructures. Mais, les tracteurs sont rentrés à Lubumbashi. La voie ferrée est ensablée et les rails déboulonnés par des pillards. L’Etat nous a abandonné », confie l’ancien rebelle comme pour justifier sa reconversion.

Une bombe à retardement

La mauvaise gouvernance et la politique de figuration médiatique ont fait perdre à de nombreux jeunes, la confiance qu’ils avaient envers les institutions de la République. Quant les plus téméraires bravent les dangers des mines ou la précarité de l’emploi dans les villes, d’autres, motivés par l’idée qu’il n y’a que par la lutte armée que l’on peut gagner sa vie, sèment la mort et la désolation. Le dialogue politique en RDC ne doit pas seulement être l’occasion de préparer une transition apaisée, mais également un moyen pour la classe politique, de renouer avec le peuple notamment la jeune génération, qui ne croit plus en ses élites.

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