Elle a 24 ans et a passé 8 mois en prison. Sephora Biduaya était l’unique femme parmi les douze militants arrêtés et détenus le 19 décembre 2016 à Goma pour offense au président de la République lors d’une marche pacifique. Ils ont finalement été acquittés par la Cour d’appel de Goma le 14 septembre dernier.
Elle est vice-présidente de la Ligue provinciale des jeunes de l’UDPS. Sephora affirme que sa détention l’a réarmée et a renforcé son engagement politique. Maltraitée en prison, elle a été plusieurs fois transférée à l’hôpital dans un état critique pendant sa détention. Elle a même perdu son bébé, né prématurément. De son expérience en prison, elle compte rédiger un livre pour relater le calvaire qu’endurent les prisonniers dans ce qu’elle qualifie de « mouroir ». Elle nous a accordé une interview.
Habari RDC : Quelles ont été les circonstances de votre arrestation le 19 décembre 2016 ?
Sephora Bidwaya : Ceux qui détiennent le pouvoir ne voulaient pas que nous puissions manifester pour réclamer le départ de Kabila cette année-là. Nous souhaitions que le 20 décembre devienne une date historique et mondiale, où un président africain devait quitter le pouvoir car son mandat était terminé et qu’il n’avait pas organisé les élections. Nous avions prévu d’ériger un camp au Rond-point Signers pour ne jamais en sortir jusqu’au départ de Kabila. Mais en route, nous avons été arrêtés et conduits au cachot des renseignements de la police, puis dans un autre où j’ai été victime de coups, d’insultes et de menaces de mort.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Je me sens vraiment révoltée par tout ce que j’ai vécu en prison pendant 273 jours : les conditions de vie effroyables des détenus, le manque de nourriture, l’insalubrité, le manque d’eau, etc. C’est en prison que j’ai compris que le Congo va encore plus mal que je ne le croyais. Mon emprisonnement a stimulé mon engagement politique et ma détermination de voir arriver un jour l’alternance pacifique au pouvoir en RDC.
On a plusieurs fois rapporté vos soucis de santé. Étaient-ils dus aux conditions d’incarcération ?
Bien sûr que oui ! J’ai même fait une fausse couche suite aux mauvaises conditions d’emprisonnement et j’ai perdu un garçon car il est né avant terme. J’ai subi une césarienne, puis j’ai été internée. Jour et nuit il y avait des gardes devant la porte de ma chambre d’hôpital, comme si j’étais un bandit de grand chemin. J’étais tellement affaiblie après cette épreuve que je perdais connaissance en prison, et ce sont les autres prisonnières qui me le disaient.
Quel souvenir vous gardez de l’état de la prison où vous étiez détenue ?
Permettez-moi de le dire : les prisons en RDC ne sont pas des lieux de rééducation ou de réintégration comme elles devraient l’être. C’est tout le contraire. On mélange des femmes qui ont tué avec de simples voleuses de poules. Il y a des personnes qui ont été arrêtées pour des infractions mineures mais qui cohabitent avec des criminels et des grands bandits. J’y ai vu par exemple une femme, mère de sept enfants, détenue pour des faits mineurs pendant des années sans procès ! Son époux fatigué de l’attendre est déjà allé voir ailleurs, la prison a détruit son foyer et l’avenir de ses enfants en est affecté. Ce n’est pas normal ! Je le redis, je suis révoltée, le combat est loin d’être fini.
Maintenant que vous êtes libre, que comptez-vous faire ?
Je dois écrire un livre pour exprimer tout ce que j’ai enduré et ce qu’endurent des milliers de Congolais dans nos prisons. Et je lance ici un message particulier : unissons-nous et agissons pour obtenir des élections en RDC et cela est toujours possible ! J’ai appris des choses en prison que je n’aurais peut-être pas pu apprendre dans la vie libre.
Je suis meurtrie depuis mes 18 ans car étudier ou manger n’ont jamais été faciles pour moi comme pour beaucoup de mes proches. C’est la raison qui m’a poussée à faire de la politique pour contribuer à changer ce Congo.