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Non, toutes les filles qui s’habillent légèrement ne sont pas des Ujana

On peut le définir comme on veut, le mot « ujana » tel qu’employé aujourd’hui à Kinshasa n’est, en  grande partie, qu’un regard stéréotypé à l’égard d’une catégorie de la population sans défense. Certaines femmes sont victimes de ce qualificatif sans forcément être Ujana. Ce qualificatif est à condamner au même titre que bien d’autres tels que « Bumbu », « Ya mado », « Bêbê», « Nyonyon »… Je vous explique pourquoi.

Dans sa lettre adressée au gouverneur de la ville de Kinshasa, l’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj) demande une réunion avec les autorités de la ville et la police, afin que des mesures « sérieuses » soient prises au sujet du phénomène ujana. La démarche est bonne, mais je pense que les conséquences qui pourraient s’en suivre risquent de ne pas être maîtrisables.

Imaginez qu’il soit décidé d’arrêter les fameuses Ujana à des heures tardives. Comment la police pourra-t-elle faire la distinction entre les bonnes filles et les supposées Ujana ? Va-t-elle imaginer un dress code pour toutes les filles de Kinshasa ? On risquerait de tomber dans les arrestations arbitraires dans le seul but de se faire un peu d’argent. Souvenez-vous de l’affaire Kuluna… Beaucoup d’innocents se retrouvent aujourd’hui à Makala (prison centrale de Kinshasa) sans jugement, sous prétexte qu’ils seraient Kuluna alors que certains ne l’ont jamais été.

Récemment dans la commune de Masina, Quartier 1, sur l’avenue Kimbulungu à Kinshasa, une fille mineure a été arrêtée, nous rapporte un blogueur de Habari RDC. Ceci parce qu’elle était vêtue de manière légère à 21 heures passées. Sa famille a dû débourser 3000 francs congolais pour obtenir sa libération. Si la situation se généralise, ne soyez pas surpris de voir nos sœurs arrêtées simplement parce qu’elles voulaient prendre un peu l’air, habillées en singlet. Ne serait-ce pas là une aubaine pour les policiers adeptes des tracasseries ?

Les victimes silencieuses

Bandal, Bon Marché, Couloir Kimbuta… Il existe bien des coins prisés pas les prostituées à Kinshasa, à cause de leurs caractéristiques de quartiers de fêtards. Cependant, ces filles-là ne se sont jamais réclamées être des Ujana. Malheureusement, aujourd’hui, on colle cette appellation à toute jeune femme dont on veut salir la réputation.

Pas plus tard que le vendredi 2 septembre dernier, je me retrouve à l’arrêt de bus de l’UPN pour me rendre au quartier Magasin. Comme tous les autres passants, mes yeux sont rivés sur une jeune fille  vêtue en t-shirt blanc et une petite culotte jean déchirée laissant apparaitre ses cuisses. Lunettes de soleil aux yeux, elle attend elle aussi l’arrivée d’un taxi. Garés à coté de nous, les wewa (conducteurs de taxis-motos) crient sur elle sans arrêt : « Ujana ndoki », « Nani afongoli yo heure oyo eh » (Ujana, espèce de sorcière ! Qui t’a libérée si tôt !). À cause de leurs cris incessants, l’attention de tous les passants est désormais focalisée sur cette fille, avec mépris. Ainsi harcelée, la fille qui n’osait répondre, est traumatisée et couverte de honte. On pouvait même la voir ôter ses lunettes et essuyer un peu de larmes.

Elle finit par prendre un taxi en toute vitesse… J’imagine qu’elle n’a pas su demander quelle direction prenait ce taxi avant de monter. User du harcèlement pour lutter contre le phénomène ujana, n’est-ce pas combattre le mal par le mal ?

La propagation des fake Ujana

Il se propage aussi sur les réseaux sociaux des messages provenant de supposées Ujana mais qui, en les observant de près, sont totalement faux. Sur ce post de l’intitulé Lino Yogo par exemple, il est écrit : « Ujana nde makambu », alors qu’en réalité, il s’agit de jeunes filles aux accents ivoiriens.

Ujana nde makambu 😂😂😂😂😂😂😂😂

Geplaatst door Lino Yogo op Woensdag 15 augustus 2018

D’un autre côté, il en existe des vraies. Ces filles qui se réclament réellement être des Ujana. Dans cette autre vidéo, une « Ujana » déclare avoir un « corps marketing » et l’autre explique comment une Ujana doit s’habiller… « Ma mère m’a mise au monde… mais ma vie ne la concerne en rien », dit l’une d’entre elles.

Mikolo oyo ba ujana succès

Geplaatst door Bouro Mbomba Isongo op Vrijdag 7 september 2018

La prostitution n’est pas une destinée à préconiser pour nos jeunes sœurs. S’il faut arrêter les Ujana, il faut aussi arrêter les hommes qui ont recours à leurs services, mais aussi les parents qui abandonnent leurs filles entre les griffes de la prostitution. #StopUjana  

 


Vous pouvez lire aussi : Et si on laissait nos « Ujana » tranquilles

 

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Les commentaires récents (5)

  1. C vraiment decevant de voir le futur première dame de cette nation c comporté de la sorte tt en n’oubliant que demain elles seront appelée » maman « 

  2. Je viens de lire avec beaucoup d’attention cet article rafraîchissant qui nous content un peu en brut le rue de notre pays.
    Je suis pas surpris qu’on a arrive là aujourd’hui, en voulant tellement copié l’Occident on en oublie qu’il y a toujours de répercussions ou conséquence et la conséquence est un tel désastre qu’on ne sais plus quelle mesure prendre pour cela.
    « Ce n’est pas en arrêtant les voleurs que le vole finissent pour autant » c’est a nous la communauté de s’en charger, aujourd’hui la prostitution est accepté comme un naturel, les enfants même savent on peut en trouver, alors comment traiter ce nous fléau qui s’abat sur nous? Déjà je pense qu’on ne devrait pas les accorder autant d’importance, aucune visibilité etc… Que fait un enfant qui n’as pas d’attention il fait de bêtises, et c’est pareil… Alors agissons en parents, trahissons ceux et celles qui les rendent encore plus orgueilleuses dans ces genres

  3. JE PENSES QUE L’ÉDUCATION ES LA SOLUTION… ET DES PROGRAMMES BIEN DEFINIS ET STRUCTURÉS TEL QUE CELUI DE RÉACTIONS INTELLECTUELLE ET MORALE DES JEINES adolescents