Après deux décennies de guerres et de conflits armés, de nombreux destins ont été chamboulés dans la province du Nord-Kivu. Des guerres qui ont même porté le nom de la province. Des centaines de villages ont été désertés et on compte des milliers de déplacés internes. Réintégrer les enfants extraits de ces groupes armés est un vrai défi.
La guerre dans les Kivu a poussé de nombreuses familles à se réfugier dans les localités environnantes ; d’autres dans des camps de fortune dans le pays voisin, l’Ouganda. Les enfants qui ne vont plus à l’école deviennent ainsi des cibles pour les seigneurs de guerres qui les enrôlent par la force ou en les manipulant. Certains enfants qui s’échappent des groupes armés ont alors un énorme défi à relever. Ils doivent revenir à la vie normale et se prendre en charge eux-mêmes, surtout lorsqu’ils combattent et font désertion dans des villages situés loin de leur milieu de vie habituel.
Dans la bourgade de Rubare en territoire de Rutshuru, à plus de 60 kilomètres de la ville de Goma, nous rencontrons André (nom d’emprunt). Un adolescent de 16 ans assis sur une chaise en bois. Il affiche un air timide. André est un ancien enfant soldat qui a passé deux ans comme combattant au sein d’une milice Maï-Maï locale. Ce jeune homme, vêtu d’une vareuse rouge et d’un pantalon bleu a été enrôlé de force dans des groupes armés, comme beaucoup d’autres jeunes de son âge.
« En 2014 à Nyakakoma, non loin de la frontière ougandaise, j’avais été dépouillé de tout ce que je possédais par des miliciens. La seule chose que j’avais pu garder c’est ce maillot à l’effigie du joueur camerounais Samuel Eto’o que je porte aujourd’hui », raconte-t-il. André explique comment il a réussi à quitter les groupes armés : « Je me suis échappé de justesse lors d’une offensive lancée contre nous par les Forces armées congolaises l’année dernière. Ce n’était pas facile. »
Un métier et un acte de naissance pour une nouvelle vie
Après sa désertion, André a été pris en charge par une structure locale : l’Union pour la promotion des droits des enfants au Congo (UPDECO). Cette organisation s’occupe des jeunes désœuvrés et des enfants sortis des groupes armés dans la phase transitoire (avant la réinsertion sociale). UPDECO leur apprend des métiers qui pourront les aider dans l’avenir.
André a appris plusieurs métiers, mais il a choisi celui de coiffeur. Il travaille dans un salon de coiffure à Kiwanja, une ville voisine. « Je suis heureux d’être libre. Dans la brousse où nous étions, pour manger on nous poussait à faire des pillages de village en village pour survivre ! Je peux aujourd’hui me nourrir du fruit de mon travail honnête. Je suis une nouvelle personne, avec une nouvelle vie », se réjouit-il, même si parfois le regard porté sur lui n’est pas toujours facile à assumer.
André a aussi acquis son acte de naissance après un jugement supplétif lors d’une audience foraine dans la cité voisine de Kabare. Une activité financée par l’Unicef pour promouvoir le droit à l’identité des enfants vulnérables et de ceux sortis des groupes armés. « Longtemps le Nord-Kivu a fait face au problème de nationalité. Cette situation s’est aggravée avec les guerres et les mouvements successifs des populations locales. Cela n’a pas permis aux enfants d’être enregistrés à l’état civil dans le délai de 90 jours comme le prévoit la loi », explique Udelphonse Biraheka, administrateur de protection de l’enfant à l’Unicef zone Est.
André fait partie de 150 ex-enfants démobilisés bénéficiaires d’actes de naissance après plusieurs mois d’attentes et de procédure. Il exulte : « C’est une fierté pour moi d’être reconnu comme né au Congo. Ça me permettra de voyager même à l’extérieur du pays ! »
Ce jeune homme qui rêve de devenir mécanicien, comme son père, cohabite dans sa communauté avec plusieurs autres jeunes au parcours similaire. Sans doute que son nouveau métier et la reconnaissance de son identité congolaise l’aideront à réaliser son rêve.