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Pari foot, l’autre façon d’entretenir la misère à Kinshasa ?

Dans la capitale Kinshasa, les jours de match de football sont des jours pas comme les autres. On voit les gens se vêtir de vareuses des équipes qu’ils supportent. Les bars à côté des rues installent des écrans pour la projection des matchs, surtout lorsque ce sont de grands clubs tels que le Real de Madrid ou le FC Barcelone qui jouent. Mais ce à quoi beaucoup ne semblent pas faire attention, c’est cet attroupement devant les kiosques qui offrent le jeu « Pari foot ».

Mercredi 6 décembre 2017, le Real bât le FC Dortmund par 3-2. Le club entraîné par Zidane et grand favori des pronostics, a remporté la victoire de justesse. Si pour les supporters la joie était de voir leur équipe passer en huitièmes de finale, cette joie était encore plus grande pour de nombreux Kinois qui avaient joué au pari foot. Ils ne survivent quasiment  que grâce aux gains qu’ils font en pariant. Pour certains Kinois dont le niveau de vie se trouve en deçà du seuil de pauvreté, ce Pari foot se révèle être une petite bouffée d’oxygène.

Ceci pourrait sûrement en étonner plus d’un, mais la pratique du Pari foot est bel et bien installée à Kinshasa et partout au Congo. C’est une source de revenus quasiment sûre, du moins pour ceux qui s’y adonnent à cœur joie ou qui en ont fait leur activité principale. Cela leur permet de subvenir tant soit peu aux besoins du foyer. Hélas, on ne gagne pas à tous les coups.

Fan du Barça, Auguy est un jeune parieur, il a misé 15 000 FC ce jour-là dans l’espoir que Dortmund gagnerait le match contre le Réal. Cela lui rapporterait alors 150 000 FC de jackpot. Il a déjà fait ses calculs pour réaliser son projet. Il espère relancer sa petite boutique s’il gagne cette cagnotte. Mais ce soir-là, le tableau d’affichage indique toujours 2 buts partout entre les deux équipes ; un but de plus de Dortmund suffit pour qu’Auguy saute de joie. Il ne reste que 10 minutes avant la fin du match. C’est Dortmund qui exerce un pressing sur le Real, Auguy est très content… Hélas, son allégresse sera de courte durée car le Réal a fini par marquer un 3e but et a gagné le match. Le pauvre Auguy perd tout : le match, l’argent et même son projet, mais il garde courage. « Je suis un parieur, je vais continuer à parier. Un jour ça me sourira », me dit-il très déçu. L’espoir, c’est la seule chose qui lui reste.

À y regarder de près, certains paris ne sont pas si couteux que ça. 100 FC peuvent vous faire gagner 25 000 FC si vous avez de la chance. L’un de mes amis recourt très souvent à ce jeu Pari foot, lorsqu’il se retrouve sans argent pour payer son loyer et cela a plusieurs fois bien marché pour lui. Je préfère taire son nom. Il a même raconté avoir déjà acheté un frigo avec son jackpot. Récemment, il me parlait du tirage au sort des huitièmes de finale de la Champion’s League européenne, expliquant qu’il hésitait sur quelle équipe miser entre le PSG et le Real, car le match ne se déroulera qu’en février prochain.

Lundi, mardi, mercredi… Ils sont nombreux à passer toutes leurs journées dans les grandes salles aménagées pour le pari. Quand iront-ils chercher du travail ? N’est-ce pas le pays qui en paye les frais ? Avant, je ne prêtais pas attention aux cris de joie des supporters lors de différents matchs. Aujourd’hui, en entendant leurs cris, je sais qu’il y a sûrement quelqu’un parmi eux qui a parié et qui, ne serait-ce que pendant un ou plusieurs jours, pourrait oublier sa misère. Comme on dit à Kinshasa, « chance eloko pamba » (la chance n’est qu’un hasard) !  

 


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