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Posez un geste pour Beni !

Le 2 octobre 2014 commencent les massacres dans le Nord de la province du Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo. Plus d’un millier d’âmes ont été fauchées en deux ans de massacres intenses en ville et territoire de Beni.À l’occasion du deuxième anniversaire, plongeons dans la discographie engagée d’un groupe musical de Beni : angoisse et espoir riment avec le Street League Music (SLM)

Les massacres de Beni ville et de son territoire ? On commence à les banaliser, malheureusement. Comment ces faits, touchent-ils les artistes musiciens ? Voilà la question à laquelle je cherche des réponses, lorsque je mets les pieds dans le studio de ce groupe musical à Beni-ville. C’est à l’étage d’une maison située en diagonale du camp OZACAF, que ce groupe de deux ans d’existence concocte ses lyrics.

L’engagement se lit sur les visages des jeunes qui le composent. Ils se sont connus sur les bancs de l’Université chrétienne bilingue au Congo. Une raison de plus pour être multilingue ! En effet, ce groupe allie le Swahili, le Lingala, le Français et l’Anglais pour s’ouvrir au monde et pour parler avec plusieurs rythmes.

Ces jeunes en question sont Syzze (de son vrai nom, Christian Byumanine, natif de Goma. Arrivé à Beni en 2011), El Brolik (Fabrice Mangosa, quitte Goma en 2011), VJ Sparrow (Yannick Kayembe de Beni), Maravilla (Arsène Mapathi, aussi natif de Beni), Negro Man (Chancel Muhasa, de Kinshasa) et Tshiming (Tshimanga Bisombo. Il est cousin à VJ Sparrow). Aujourd’hui, ils nous font découvrir quatre chansons.

« Pasi ya Mboka »

Le premier hit c’est Pasi ya mboka (le souci du pays). Le titre annonce déjà l’engagement du groupe : « Je donnerai tout pour le restant de ma petite vie. Je ne cesse de voir les victimes dans mon pays. Rébellions, groupes armés, crimes impunis : c’est ce que l’on appelle ici démocratie. L’anarchie, la hiérarchie, c’est ce que l’on vit ici.» Et ils enchainent encore : « Je n’ai plus les larmes, je n’ai plus mes mots, je n’ai plus mon âme : témoin du génocide qui crée en moi la mort dans l’âme. SOS : chez nous, les carnages se pérennisent. Au fond, les massacres nous terrorisent. Le sang des victimes nous martyrise ». La jeunesse a un rêve qui s’assombrit. Si la terre avait un visage : le Congo serait sa face terne !

« Makila ya Congo »

Cette chanson est constituée d’un mélange de Lingala, Kiswahili et Anglais. Je retiens du refrain multilingue de Makila ya Congo (le sang du Congo) un extrait en Kiswahili: « Sisi watoto wa Kivu, tunaliya amani. Tunaliya na sauti ya juu » (Nous les Kivutiens, avons besoin de la paix. Nous le demandons haut et fort, NDLR). L’espoir vient dans la suite de la chanson : « Nasumba macho juu, naliya kwako Mungu : I cry ! » (Je lève les yeux au ciel, je pleure chez toi Dieu : je crie, NDLR).

« Matchozi »

Matchozi, signifie  « les larmes ».  Le rythme lui-même annonce la tristesse du titre. En écoutant cette chanson, je comprends l’ampleur de la gravité de la situation. Une larme dégouline sur ma joue, tellement ce mix de Lingala, Français, Anglais et Kiswahili me touche.

« Kila siku nikiamka, asubuhi mapema, nasikia kuna watu wamekufa. Mauwaji yameshazidisha huko na huko. Wanauwa bila huruma na bila sababu. Naona damu inamwangika. Natoa matchozi ya moto, matchozi ya damu ». (Traduction) : « Chaque jour, à mon réveil, j’apprends que des gens sont morts. Les massacres continuent ici et là. On tue sans pitié, sans motif. Je vois le sang couler. Je pleure en larmes chaudes, des larmes de sang !) Chante Maravilla, qui continue sur un air funèbre : « J’ai vu des femmes, toutes éventrées. Même des gosses décapités. Je me demande où est passée la paix. Le carnage étant devenu le pain quotidien ». Alors, comment ne pas compatir ?

« Pose un geste »

Cette chanson est le summum de l’engagement. Un appel fort et pressant à l’action. Un message délivré en français. Il est bon de faire de beaux discours. Il est bon de faire de belles promesses… « Pose un geste », parce que la jeunesse veut voir des actions. « Pose un geste », parce que le peuple en a besoin. Fais-le pour ce peuple meurtri, pour ces jeunes non encadrés, pour cette jeunesse opprimée. Maravilla a vu une femme, seule dans sa case violée par les rebelles et qui n’a plus confiance en elle. Il a vu cet enfant qui pleurait en criant « papa ! », ayant vu son père se faire décapiter. Maravilla appelle cela : « la conscientisation pour l’action ». Par solidarité, un geste… « On ne veut plus trop parler. On veut voir des actions», lance Maravilla.

Maison commune

Un geste pour matérialiser le projet Elikya (l’espoir). C’est un centre culturel car  la région de Beni, ce n’est pas seulement les massacres. Il y a des jeunes talentueux qu’il faut sortir de la rue, beaucoup de talents. « Bâtirons-nous un Congo plus beau qu’avant sans rien changer ? Que peut être notre contribution à ce changement dont le Congo a tant besoin ? » S’interroge Maravilla. Sa réponse : la maison commune, ce centre culturel, un instrument de sensibilisation et de conscientisation adapté à la réalité congolaise.  Ce n’est rien d’autre que l’art et plus particulièrement les arts vivants !

 

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