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Procès des présumés auteurs de la vidéo des massacres du Kasaï

Depuis le 5 juin dernier se déroule à Mbujimayi le procès des présumés auteurs des massacres de miliciens Kamwina Nsapu. Il s’agit des massacres perpétrés le 18 décembre 2016 à Muanza Lomba au Kasaï-Oriental. La vidéo de ces massacres avait largement circulé sur les réseaux sociaux et créé un véritable scandale.

Dans le boxe des accusés, sept soldats de la 21ème Région militaire basée au Kasai-Oriental. Ils étaient engagés dans les opérations militaires contre les miliciens Kamwina Nsapu en territoire de Miabi. Le premier à comparaître devant la Cour militaire est le major Nyembo Buana Moya Urbain. Le blogueur Placide Sido Nshimba nous fait vivre ici l’une des étapes de l’instruction du dossier. C’est le Premier président de la Cour militaire du Kasaï-Oriental, le lieutenant-colonel Kelly Adjenga Akelele qui pose les questions au prévenu Nyembo.  

Kelly Djenga Akelele: Prévenu Nyembo, c’est toi qui étais le commandant de troupes. Décris-nous comment les opérations se sont déroulées à Muanza Lomba ?

Nyembo : Mon colonel, Je ne comprend pas pourquoi je suis arrêté alors que c’est vous qui m’avez envoyé en mission.

C’est nous qui t’avons envoyé? Est-ce que c’est la Cour qui t’avait envoyé en mission? Retire ça!

À vos ordres, mon colonel. Je parle de vous en tant qu’autorités militaires qui m’avaient donné l’ordre.

Raconte-nous comment, toi et tes hommes, vous avez effectué les opérations qui vous ont été confiées sur le terrain.

On m’avait donné 42 militaires pour diriger ces opérations contre la milice du chef Kamwina Nsapu. Notre mission principale était d’ouvrir le passage sur l’axe Mbujimayi-Miabi. Quand nous sommes arrivés dans la localité de Muanza Lomba, précisément au village de Bena Cikasu, nous sommes tombés dans une embuscade tendue contre nous dans une courbure. L’un des miliciens qui se cachait dans la brousse a tiré sur notre véhicule à l’aide de son arme calibre 12. Au même moment, un groupe de miliciens étaient déjà devant nous sur la route. Immédiatement, nous sommes descendus du véhicule et j’ai ordonné d’ouvrir le feu pour nous défendre.

Explique-nous ce qu’il y a eu. Quand vous vous êtes affrontés, qui est mort et comment ça s’est passé ?

Quand ils nous ont attaqués, j’ai ordonné de tirer sur eux. Ce sont des miliciens qui sont morts sur place.

Tu as compté combien de morts ?

Il y a eu sept morts, mon colonel, tous des miliciens.

Sept morts. Combien d’enfants, d’hommes et de femmes ?

Non, il n’y avait pas d’enfants. Il y a eu seulement cinq hommes et deux femmes parmi les morts.

Quand vous avez tiré, vous avez fait le ratissage ?

Bon, le ratissage quand je l’ai fait, j’ai donné l’ordre de cesser le feu parce que les autres miliciens avaient déjà pris la fuite dans la brousse vers les collines, et ceux qui étaient morts étaient restés au sol à l’endroit où ils étaient tombés.

Tu as dit que l’un des miliciens avait tiré sur votre véhicule, combien d’entre vous ont été atteints par des balles ?

Non mon colonel, personne d’entre nous n’a été touché par une balle.

L’affrontement a eu lieu en brousse ou sur la route ?

Les miliciens ne combattent pas en brousse, l’affrontement a eu lieu sur la route. Quand ils entrent dans la brousse, c’est pour fuir.

Lorsque tu as vu que les miliciens étaient tombés sous les balles et gisaient au sol, pourquoi tu as continué à tirer sur eux ?

Nous étions entrain de tirer. Quand on donne à un militaire une arme et une baïonnette pour aller à la guerre et qu’il tombe dans une embuscade, que voulez-vous qu’il fasse mon colonel ? Il doit utiliser l’arme et le couteau pour détruire l’embuscade. Surtout que notre mission principale était d’ouvrir le passage sur cet axe routier. C’est ce que j’ai fait.

Entre vous et vos ennemis, qui a attaqué le premier ?

Ce sont eux qui nous ont attaqués les premiers, et c’est alors que j’ai ordonné de riposter pour nous défendre et ouvrir le passage parce qu’ils barraient la route.

Quand tu as donné l’ordre de tirer, où étais-tu en ce moment là ?

J’avais divisé ma troupe en deux sections et moi je me trouvais dans la première section qui était devant. La deuxième section était
derrière nous pour nous secourir en cas de manque de minutions.

Quand vous avez tiré sur les miliciens, qui sont tombés devant vous? Des hommes ou des femmes?

D’abord, ce sont cinq hommes qui sont morts, ensuite les deux femmes qui gardaient leurs fétiches

On t’accuse d’avoir donné l’ordre d’achever les hommes et les femmes blessés par balle et  qui agonisaient au sol.

Non, mon colonel ! Moi je n’ai pas donné cet ordre. Vous pouvez même vérifier dans cette vidéo-là. Ce n’est pas ma voix qui dit : « Tue-le, il est encore vivant, tue-le. » Si la vidéo est ici, vérifiez la voix, ce n’est pas ma voix.

Mais qui a donné cet ordre parce que c’est toi qui étais commandant de compagnie qui dirigeait les opérations ? En plus, vous avez laissé nues les victimes.

Je ne connais pas celui qui a donné cet ordre. Dans le combat, quand il y a crépitement d’armes, comment puis-je savoir ce que dit untel ou untel ? Et puis, dire que j’ai déshabillé ces gens c’est faux, car quand les Kamwina Nsapu combattent, ils ne portent jamais de sous-vêtements. Lorsqu’une femme tombe sous les balles, c’est normal que sa jupe monte et qu’elle reste nue

Tu demandes la vidéo, ne l’avais-tu pas regardée ? Qu’as-tu vu dans la vidéo ?

J’ai vu la vidéo, mais nul part je n’ai vu où on a déshabillé quelqu’un. Qu’on me le prouve !

Mais quand tu as regardé la vidéo, est-ce que tu n’as pas vu des gens sans habits?

Si, mon colonel. Une femme, mais elle n’était pas totalement nue comme vous le dites. Sa jupe était simplement remontée un tout petit peu.

Qui a tiré sur cette femme en visant la tête pour l’achever alors qu’elle était déjà touchée par balle?

Je ne sais pas, mon colonel.

C’est toi qui étais commandant de troupes ! Qui sont ces militaires qui disaient : « Tire sur celui-ci, il n’est pas encore mort, tire. » C’est quel militaire qui disait cela ?

Je ne sais pas.

Tu as regardé la  vidéo. Peux-tu confirmer que ce qui est sur la vidéo c’est ce qui s’est passé sous tes yeux pendant les affrontements avec les miliciens?

Oui, mon colonel.

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Le procès se poursuit à Mbujimayi, la suite dans le prochain billet.

À noter que l’auteur de la célèbre vidéo des massacres s’appelle sergent major Maneno Katembo alias « baobab ». Il a avoué devant la Cour militaire que c’est bien lui qui avait pris les images.  

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