Le policier congolais est souvent présenté sous un angle négatif, comme quelqu’un qui persécute toujours les femmes. Ce cliché n’est pourtant pas à généraliser. Il y a des policiers qui aiment leurs épouses, plus que n’importe quels autres hommes.
Un bon matin, présent à son poste à Lubumbashi, un policier commis à la garde de nos bureaux me voit venir. De manière exceptionnelle, il me lance : « Respect mokonzi » (mes respects, chef !). Un salut sec. Je n’y comprenais rien.
À peine j’entrais dans mon bureau, ce policier fond en larmes. Les larmes d’un policier, c’est rare de les voir ! Pris d’étonnement, j’accours vers lui. Il me dit : « Mwasi nanga aza na hopital, nazo koka te ! » (en français : mon épouse est hospitalisée, je ne supporte pas). Il était vraiment triste et avait besoin d’une assistance. J’essayais de le calmer, tout en réfléchissant à la solution à son problème.
Tous les soldats ne sont pas pourris en RDC
C’était ma première fois de voir un policier témoigner tant de respect pour sa femme :
« Si je suis devenu quelqu’un ici devant toi, c’est grâce à ma femme, c’est elle qui fait tout. Cela fait quatre jours que je n’ai pas mangé avec tous mes enfants, explique le policier. C’est grâce à son petit commerce que nous vivons. Elle gagne 4500 FC par jour (environ 3$) et cela nous permet de vivre. Maintenant qu’elle est malade, c’est difficile ! Là-bas à l’hôpital du camp, il n’y a pas de soins de qualité. Je ne peux tout simplement pas supporter de voir ma femme souffrir ainsi. »
Il parlait avec une telle sincérité que n’importe qui aurait compati à son malheur. Je n’ai pas hésité à référer en urgence son cas à ma hiérarchie. Hélas, j’ignore si la hiérarchie l’a assisté ou non.
J’ai lu plusieurs rapports dans lesquels nos forces armées sont accusées de violences à l’égard des femmes. Mais le cas de ce pauvre policier m’a permis de nuancer ces affirmations. Il est différent des autres soldats. Il aime sa femme et est prêt à tout pour lui venir en aide.
Apprendre à aimer comme ce soldat
J’ai pensé à tous ces soldats mal payés alors qu’ils ont des familles à prendre en charge. Chez-nous au Congo, un policier touche environ 68$ de solde par mois. Je ne pouvais rester insensible à la douleur de ce policier de Lubumbashi qui pleurait, et était très inquiet au sujet de la maladie de son épouse bien aimée. Il était dépassé, débordé, avec une solde insignifiante !
Je qualifie de braves ceux d’entre nos forces armées qui respectent, aiment et compatissent à la situation de leurs épouses ; qui reconnaissent l’apport de la gent féminine dans leur foyer. Avec eux, il est possible d’éclairer le tableau sombre de notre pays. Apprendre à aimer un soldat et aimer comme ce policier de Lubumbashi.