Philosophe, romancier, poète et penseur de renommée internationale, Valentin-Yves Mudimbe s’est éteint aux États-Unis, loin de son Katanga natal. Ce départ, en terre étrangère, illustre tristement le sort de nombreux intellectuels congolais contraints de s’exiler pour être reconnus à leur juste valeur. Mudimbe, figure majeure de la pensée postcoloniale, laisse derrière lui une œuvre monumentale, traversée par des questions d’identité, de savoir, de langue et de déconstruction des récits coloniaux.
L’auteur de L’odeur du père et de Le bel immonde n’était pas seulement un écrivain. Il était une voix puissante qui interrogeait l’histoire, la mémoire et les mécanismes de domination. De son vivant, en faisant don de sa bibliothèque personnelle à l’Université de Lubumbashi, Mudimbe a voulu ancrer son savoir dans sa terre natale. Aujourd’hui, plus de 10 000 ouvrages logent dans la bibliothèque qui porte son nom : un geste de foi envers la jeunesse congolaise et le futur de la pensée africaine.
Le Congo valorise-t-il ses talents ?
La question reste entière. Alors que la communauté scientifique et littéraire internationale rend hommage à Mudimbe, le silence des autorités congolaises interpelle. Aura-t-il droit à des funérailles nationales ? Une pétition circule pour exiger cette reconnaissance officielle. Mais l’histoire récente nous enseigne que les honneurs tardent souvent à venir. Le professeur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, n’a lui-même jamais été véritablement honoré par l’État congolais pour son œuvre au service des victimes de la guerre dans l’est du pays.
Reconnaître Mudimbe aujourd’hui, ce n’est pas seulement saluer un parcours individuel. C’est affirmer que le génie congolais a sa place au centre du récit national et international. C’est aussi refuser que nos plus grandes voix s’éteignent dans l’indifférence. Puissent ses livres continuer à éclairer les esprits et son nom à inspirer les générations futures.