En mars 2017, deux experts de l’ONU ont été assassinés dans le Kasaï Central pendant la guerre de Kamuina Nsapu. Le procès à la Cour militaire de Kananga a rendu son verdict le week-end : 51 présumés coupables sont condamnés à mort. Problème : les trois Congolais disparus aux côtés des deux experts ont eux été oubliés dans le procès.
C’est à se demander si la vie des Congolais ne compte pas aux yeux de la justice de leur propre pays. Lors de l’assassinat de l’Américain Michael Sharp et de la Suédoise Zaida Catalan (deux experts de l’ONU), il y avait à leurs côtés trois Congolais : Betu Tshintela, Isaac Kabuyi et Pascal Nzala, respectivement interprète et chauffeurs de motos-taxis. Ils avaient accompagné les experts et depuis, on n’a plus eu de leurs nouvelles jusqu’à ce jour. Malheureusement, durant les quatre ans du procès, la justice congolaise ne s’est pas du tout intéressée à leur sort. Comme si leur vie n’avait aucune importance.
Il y a quelques mois, un membre de famille d’un de ces accompagnateurs des experts dénonçait déjà cette injustice en ces termes : « Depuis que nos frères sont partis avec les experts, on ne les a pas vus, même leurs corps. La justice militaire parle toujours pour les deux experts, mais pour nos frères, il n’y a rien. »
Des étrangers mieux considérés que les nationaux
C’est le paradoxe en République démocratique du Congo. Très souvent dans des dossiers judiciaires, un étranger blanc ou riche (même s’il est coupable) gagnera le procès face à un pauvre Congolais. Ces trois compatriotes probablement assassinés en même temps que Zaida Catalan et Michael Sharp n’ont-ils pas de familles qui attendaient justice ? Pourquoi n’a-t-on même pas pensé à indemniser leurs veuves et orphelins ?
Si la justice de leur pays, la RDC, ne pense même pas à eux, est-ce la justice américaine ou suédoise qui défendra leur cause ? C’est une honte pour la justice congolaise qui semble-t-il a préféré plaire d’abord à l’ONU et à la communauté internationale. Encore une fois, elle s’est moquée de nos morts. À quand la justice sur les 80 fosses communes ou de nombreux corps des Congolais ont été enterrés pendant la guerre de Kamuina Nsapu ?
Le scandale est tel qu’un chercheur à Amnesty international espère que bien que clôturé, ce procès des experts de l’ONU se rouvrira tôt ou tard, comme c’est le cas aujourd’hui du procès Chebeya, clôturé depuis plusieurs années et finalement relancé en 2021.