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Les écrivains congolais : des laissés-pour-compte ?

C’est la question que se posent sans doute les rares lecteurs congolais ou les personnes qui s’intéressent encore à la production littéraire en RDC. Car, il faut bien le reconnaître, la littérature congolaise ne fait pas beaucoup parler d’elle, ni chez elle ni à l’étranger. Elle est invisible, ignorée, méprisée. Elle est comme une voix qui crie dans le désert, sans trouver d’écho. Comme une fleur qui se fane dans l’ombre, sans recevoir de lumière. 

Quelles sont les raisons de ce délaissement de notre littérature ? Sont-elles internes ou externes ? Sont-elles liées à la qualité des œuvres ou à leur diffusion ? Sont-elles conjoncturelles ou structurelles ? Sont-elles imputables aux écrivains eux-mêmes ou à leur environnement ? Autant de questions qui méritent d’être posées, mais dont les réponses sont complexes. 

On pourrait invoquer, par exemple, le manque d’infrastructures culturelles en RDC. Pas assez de librairies, de bibliothèques, de salons du livre, de revues littéraires, de prix littéraires, de formations littéraires. On pourrait aussi évoquer le manque de soutien des pouvoirs publics : pas assez de subventions, de politiques culturelles, de protection du droit d’auteur, de promotion du livre. On pourrait encore mentionner le manque d’intérêt du public : pas assez de lecteurs, de critiques, de médias, de débats. Bref, un tableau sombre et désolant de la situation du livre et de la littérature en RDC.

Cependant, il y a lieu de se demander si les écrivains congolais ne sont pas eux-mêmes responsables de leur marginalisation. Ne sont-ils pas trop isolés, trop dispersés, trop individualistes ? Ne sont-ils pas trop coupés de la réalité sociale, politique et culturelle de leur pays ? Ne sont-ils pas trop influencés par les modèles littéraires occidentaux ? Ne sont-ils pas trop enfermés dans des thématiques monotones et stéréotypées ? Ne sont-ils pas trop peu inventifs, audacieux, originaux ?

On le voit, les causes du délaissement des écrivains congolais sont multiples et complexes. Elles renvoient à des problèmes structurels qui dépassent le seul champ littéraire. Elles appellent à des solutions globales qui impliquent tous les acteurs concernés : écrivains, éditeurs, libraires, bibliothécaires, enseignants, journalistes, critiques, lecteurs. Cette situation exige une prise de conscience collective et une volonté politique forte. 

Car la littérature congolaise n’est pas qu’un divertissement ou un ornement. C’est aussi une expression identitaire et une force. C’est aussi un patrimoine culturel et une ressource économique. C’est aussi un enjeu démocratique et un facteur de développement.

La part du ministère de la Culture dans le délaissement des écrivains de la RDC  

En réalité, un tel ministère a entre autres missions de soutenir, valoriser et diffuser la production littéraire du pays. Il devrait avoir des moyens, des projets et des partenaires pour accompagner les écrivains dans leur parcours. 

Un ministère comme celui de la Culture doit avoir une vision, une stratégie et une ambition pour faire rayonner la littérature congolaise. Eh bien non, détrompez-vous ! Le ministère de la Culture de la RDC est un ministère fantôme. Il ne fait rien, ne dit rien, ne voit rien. Il laisse les écrivains se débrouiller seuls, sans assistance ni protection. C’est donc un ministère qui contribue à l’invisibilité, à l’isolement et à la précarité des écrivains. 

Voilà que ce fameux ministère est incapable d’organiser de vrais prix littéraires pour vitaliser se secteur. Le seul prix littéraire qui en vaille la peine, le prix Zamenga doté de 1000$ pour le lauréat, est l’œuvre du gouvernement belge. 

Pistes de solutions

Nos écrivains, il faudrait qu’ils se réveillent ! Qu’ils se mobilisent et se solidarisent. Qu’ils se forment, se documentent, se diversifient. Qu’ils s’inspirent, s’expriment et s’affirment. Qu’ils créent, qu’ils se réinventent, qu’ils publient, qu’ils diffusent. Qu’ils dialoguent, qu’ils échangent, qu’ils coopèrent ! Bref, qu’ils se mettent au travail et se fassent entendre. 

Car la littérature de la RDC n’est pas condamnée à rester derrière celle du Nigeria ou de l’Algérie, ou de l’Afrique du Sud. Elle a aussi ses richesses, ses originalités, ses potentialités. Elle a aussi sa place dans le paysage littéraire africain et mondial. Elle a aussi sa voix à faire valoir. Et si vous ne me croyez pas, allez donc lire Dans le ventre du Congo ou Tram 83 ! Vous verrez ce que je veux dire ! Même si leurs auteurs ont dû s’expatrier pour réussir. 

Dans ces conditions, un écrivain peut-il vivre de son art en RDC ? 

A moins d’un miracle ! Car comment vivre de son art quand on n’a pas de lecteurs, pas d’éditeurs, pas de libraires, pas de droits d’auteur ? Comment vivre de son art quand on n’a pas de revenus, pas de statut, pas de protection sociale ? Comment vivre de son art quand on n’a ni notoriété ni visibilité ? La réponse est simple : on ne peut pas. 

Un écrivain en RDC ne vit pas de son art, il survit. Il survit en faisant d’autres métiers, en sollicitant d’autres sources de financement, en s’exilant dans d’autres pays. Il survit en renonçant à ses rêves, à ses aspirations, à ses convictions. Il survit en sacrifiant sa liberté, sa créativité, sa dignité. Bref, il survit en se reniant comme écrivain. Si vous ne croyez pas ce que je dis, allez donc interroger les écrivains congolais ! 

 

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Les commentaires récents (7)

  1. Tous les mots utilisés sont exacts : manque de politique culturelle, manque de ministère de la culture qui vaille ce nom, pas de financement, pas de chaîne du livre… Dès le moment où l’auteur doit sortir l’argent de sa poche pour mettre dans le livre le schéma est biaisé. Si le pays prend au sérieux cette question d’une chaîne du livre digne et former des personnes compétentes capables de bien mener cette chaîne, nul doute que la littérature congolaise prendra une ascension, il y a des manuscrits, de bons manuscrits qui se cachent dans les tiroirs de plusieurs écrivains congolais, mai comment les sortir sans sortir aucun sou de ses poches? C’est en cela que j’ai apprécié cet article. Il questionne tous les acteurs du monde du livre. C’est simple : les Fiston Mwanza et les autres ont été mis dans de bonnes conditions de production et voilà qu’ils ont proposé des oeuvres assez uniques de la littérature congolaise ( est-ce de la littérature congolaise lorsqu’elle est made in France ? Une question parmi une foule d’autres). Les lecteurs aussi sont rares parce que notre enseignement est au rabais. Toutefois, encourageons les quelques plumes qui résistent contre tous ces maux, ces écrivains qui publient de leurs poches, ces quelques éditeurs aux moyens limités qui tentent d’aider du mieux qu’elles peuvent, ces jeunes lecteurs qui s’ébrouent à la lecture. C’est toute une chaîne du livre à bâtir.

  2. Cet article est très intéressant et mérite d’être lu par tout le monde et plus particulièrement les écrivains congolais,loushois . J’ai surtout aimé les pistes de solutions. Bravo cher écrivain 👏

  3. Bien sur ce bien de nous transforme tand que nous somme des ignora , notre pays a besoin de tel personne .

  4. Chers, je ne suis pas auteur (ou pas encore), je ne vis pas en RDC (mais y suis née) par contre, je suis membre fondatrice d’un collectif littéraire BOOKUTANI dont le siège est à Bruxelles avec une représentation Bookutani RDC, très active, représentée par Sylvie Tshibassu Zamundu. Bookutani a crée en 2021 le Prix Emilie-Flore Faignond, en l’honneur d’une des grandes plumes reconnue en RDC et ailleurs (avec une oeuvre qui va dubrecueil de poèmes, une trilogie autobiographiques, livre de 2 contes, récit de vie, récit d’une époque de l histoire du Congo, et elle écrit encore actuellement). 2 éditions ont déjà eu lieu en 2021(prix spécial, 1er prix a couronné une activiste dans la littérature en RDC, surtout Kinshasa; et en 2022, dont le dernier laurèat finaliste, Elvis Ntambua, est à Kinshasa actuellement pour présenter MAKILA, et a attiré beaucoup des gens. Il y d autres prix littéraires que ceux que vous nommez. Il y a l’association ECRIVAINS DU CONGO, qui est comme un syndicat des auteurs, il y des belles maisons d’éditions à Kinshasa LAESH, centrée sur les livres du Congo, Edts MIEZI, qui vient d’éditer in grand auteur congolais (Parole de perroquet de Vincent Lombume) et ailleurs, Goma
    .. et des nouveaux qui voient le jour, il y a des festivals BUKU à Kin, un autre au Kivu qui voient le jour. Ce qui est vrai, c est que par rapport à la musique, les autres art, et certes la littérature, est l’enfant pauvre, le délaissé par l’état et même si en tant que Bookutani avec le prix Emilie-Flore Faignond 2022, nous avons eu, à Kin, le ministre de la jeunesse à cette époque, M Yves Bunkulu Zola; et à Bruxelles, Mme Yvette Tabu Inangoy, Commissaire en charge de culture, arts, média, communication et numérique de la ville de Kinshasa.
    Et sachez que tous les auteurs que je connais, à Kinshasa, ceux qui sont êdités, Christian Gombo, Richard Ali, Tata N’Longi Biatitudes, Nzau Lembe, Pat le Gourou et j en passe (cherchez la revue littéraire des Congos, LELO no 000/2020, pour les découvrir, et ceux dans la diaspora (Sinzo Aanza, Barly Baruti, bédéiste, Blaise Ndala (traduit en Anglais), Jean Bofane (traduit en plusieurs langues), Mujila… sont très férus de politique et de la situation sociale au pays car le l’auteur congolais n’a pas de choix que de voir, sentir et réagir à ce qui se passe autour de lui.
    Un très long discours pour finir par vous dire, merci pour l’article, car il suscite une réaction, rôle du journalisme, mais documentez-vous buen, svp, et je vous en prie, attaquez l’état dans son apathie, mais promettez-moi de mettre les auteur.e.s en lumière ainsi que la littérature congolaise et ses protagonistes, ce sont des lutteurs. Il yba un long chemin à parcourur, vous ne mentez pas, je ne me couvre pas les yeux, mais elle est bien et belle vivante la littérature en RDC, dans tous les genres, et beaucoup de jeunes écrivent mais être édité.e est dur, manque de moyens.

  5. J ai relu votre article, plus rationnellement, ma 1ére réactiin était sanguine, 😉 mais c est vrai qu’ils sont laissé pour compte, mais tout un groupe se bat sans cesse, à en perdre le sommeil, pour combiner, travail, littérature, famille…

  6. Dans tous les secteurs notre pays reste en bas, merci pour cet article monsieur yannick, le reste c’est nous mettre au travail, compter sur nous même et défendre cette littérature, de ma part allons y sous forme de revolte.