Samedi 24 septembre, des coups de feu entendus à Béni ont semé la panique parmi les habitants qui craignaient une nouvelle attaque des rebelles ADF. Dans la confusion 22 personnes ont perdu la vie. Récit.
Samedi 24 septembre, 14 heures 32′, un soldat ivre vient de tirer en l’air quatre balles. Il n’en fallait pas plus pour créer une panique générale. En quelques minutes des milliers de gens fuient les quartiers nord pour rejoindre le sud de la ville. Pour eux, des batchinja (égorgeurs présumés ADF) viennent d’entrer en ville et ils seraient déjà au quartier Malepe. Les habitants déferlent dans tous les sens, chacun fuyant pour sauver sa peau. Le marché central de Béni se vide rapidement, les gens abandonnent leur marchandises pour sauver leur vie, certains dans la panique laissent même derrière eux des enfants !
En cette saison, il pleut abondamment à Béni et les trois rivières (la Munyambelu, la Mabakanga et la Tuha) qui traversent la ville sont en crues. Cette fausse alerte aura des conséquences dramatiques. 22 personnes mourront noyées. Cette fois-ci, le seul responsable de ce drame est le gouvernement congolais.
Des militaires hors de contrôle
L’homme qui a créé la panique est un militaire des FARDC, le premier sergent Ikalu Nongo Timothee, du 801e régiment basé à Kirumba. Cet homme habillé en civil a tiré des coups de feu en l’air à Malepe – Mupanda, alors qu’il était à Béni pour une visite familiale, explique-t-il.
Un militaire se déplace donc avec son arme à plus de 260km de sa base et sans tenue militaire? Puis il se saoul et tire en l’air ! Dans quel État digne de ce nom une telle chose peut-elle se produire ? En RDC cela semble tristement possible… C’est là le premier acte coupable de mon gouvernement dans la mort de 22 personnes ce samedi 24 septembre à Béni. Mon gouvernement est coupable car il a permis à cet homme de se déplacer avec son arme sans sa tenue militaire, et parce qu’il n’a visiblement pas réussi à apprendre à cette homme au service de la nation qu’il n’est pas concevable de se saouler avec son arme. Mon pays est coupable… Notre armée aussi.
L’absence d’un plan de contingence
Si des plans d’évacuations avaient été étudiés par l’Etat, des hommes et des femmes ne seraient pas morts pour rien. Mais l’histoire se répète inlassablement et nos dirigeants ne semblent pas avoir appris les leçons du passé. En 2002, le 17 janvier, le volcan Nyiragongo entrait en éruption. Une centaine de personnes avait perdu la vie à Goma. Beaucoup ont péri à cause d’un manque de préparation des autorités. Près de cinquante personnes étaient allés se réfugier dans une station service ! La lave chaude créa une explosion et toutes ces personnes moururent calcinées. La protection civile ne leur avait pas dit qu’il ne fallait pas se cacher dans une station service en cas d’éruption. D’autres personnes au Nord de la ville s’étaient retrouvées emprisonnées par les laves dans leurs maisons. Pourtant à la radio les autorités avaient demandé aux gens de ne pas bouger, de ne pas quitter leur domicile. Il n’y avait aucun plan de contingence pour guider les populations. Goma est une ville volcanique et ce n’est pas une nouveauté. Une éruption avait déjà eu lieu en 1977. Aujourd’hui, 14 ans après la mort de plus cent personnes, aucun plan n’a encore été mis en place.
A Béni, où les terroristes tuent avec une régularité effrayante depuis deux ans, les autorités n’ont pas encore eu le réflexe de mettre en place un plan de gestion de crise si des hommes armés pénètrent dans la ville. La panique a duré près de deux heures mais ni les autorités urbaines, ni les autorités militaires n’ont pu donner des indications aux populations qui se déplaçaient dans la confusion la plus totale. C’est ainsi que près de 16 enfants de moins de dix ans ont perdu la vie, noyés dans les rivières. Voilà pourquoi notre gouvernement est doublement coupable.
Que les autorités mettent en place des plans de gestion de crise et qu’ils soient adaptés aux circonstances propres à chaque milieu, chaque ville et village en danger. Grâce à cette planification, les populations seraient plus à même de réagir aux catastrophes naturelles ou aux attaques terroristes. Il faut également mettre à la disposition de la protection civile des moyens pour faciliter son travail. Des millions de Congolais ont désormais des téléphones mobiles et la mise en place de numéros d’urgence à l’image du 112 européen ou du 911 américain semble tout à fait possible. Que le gouvernement agisse et des vies seront ainsi épargnées.