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Mon ami indigné, tout Katangais n’est pas sécessionniste

Je viens de passer une semaine embarrassante, depuis qu’a démarré à Lubumbashi le forum sur la réconciliation entre Katangais. Ce forum a suscité une levée de boucliers, au point qu’on a parfois l’impression de faire face à un Katanga bashing. Dans ce blog, je voudrais dire à ceux qui plongent dans l’amalgame que tout le monde n’est pas sécessionniste.

D’abord, j’ai envie de dire que tout Congolais ou un groupe de Congolais a le droit de s’associer et d’organiser des réunions. La liberté des réunions et d’associations est constitutionnelle en RDC. Tout comme la liberté d’opinion.

Où est le problème s’ils se réunissent et cherchent une réconciliation ?

Que les Katangais se réunissent entre eux pour faire la paix, se réconcilier, il n’y a rien d’anormal ni d’immoral. Le problème se pose cependant quand, au cours de telles réunions, émergent des propos d’exclusion. Ça, c’est condamnable. Etre Katangais ne devrait pas se concevoir comme être « contre » les non-Katangais.

Mais si l’objectif d’une rencontre, quoique portant des images assez régionalisées, consiste plutôt à renforcer l’unité qui n’est pas contre les autres, je ne vois pas la raison de tant d’agitations.

En fait, pourquoi une réconciliation entre Katangais ?

Parce qu’il y a davantage d’animosités et de frustrations depuis deux événements successifs politiquement motivés. D’abord le redécoupage territorial effectué en 2015.

Il se réalise dans une logique de luttes de destruction que certains ont vues comme une autodestruction entre Joseph Kabila, alors président de la République, et Moïse Katumbi, gouverneur du Katanga en qui on pressentait des ambitions présidentielles. À l’époque, le président Kabila était tenté par un troisième mandat interdit par la Constitution.

Katumbi, alors cerné, rompt avec le camp du Raïs et exprime clairement son intention de se présenter à la présidentielle.

Si le problème ne se pose pas, à l’époque, en termes de succession ou non d’un Katangais à un autre, il se passe que les deux se battent sur une même base arrière. Chacun y effectue sa démonstration de force, son leadership. Conséquences : beaucoup d’animosités se créent et s’expriment. Des proches de Katumbi, par exemple, se sentent persécutés. Certains sont même envoyés en prison. Katumbi lui-même, et c’est le second événement majeur, est forcé à l’exil après un épisode de procédures judiciaires explosives.

Pour ne pas oublier vite

Dans la foulée, le régime de Kabila fait barrage à la candidature de Katumbi devenu opposant majeur au régime. Le camp présidentiel, composite, aide le président à le le faire couler.

Les ressentiments augmentent alors au Katanga. En même temps, le déménagement génère des discours et attitudes qui accentuent les rivalités régionales et ethniques entre anciens Katangais. On pense, par exemple, à l’épisode de la liste pléthorique d’agents (manœuvres) que le Haut-Katanga de Jean-Claude Kazembe affecte dans les nouvelles provinces. Il tient à partager cela, comme ils l’ont fait avec les avoirs de la province divisés entre les quatre nouvelles provinces.

Sur le plan de l’emploi, l’occupation de nombreux postes dans la fonction publique pose problème. « Il faut que des originaires » ! Alors les luttes de succession ou de remplacement commencent. La liste de ces situations inconfortables est longue. La région a même frôlé des affrontements, au plus fort des manipulations ethniques, en passant par les associations socioculturelles et par les protagonistes.

Tentative de retour à la normale

Toutes ces situations n’ont jamais été résolues, les communautés pacifiées. Vouloir le faire, en réunissant les leaders sociaux et politiques n’est pas criminel. Ce n’est pas non plus contraire à la Constitution ni à l’identité congolaise. D’où vient donc que l’on s’en prenne aux Katangais comme s’ils avaient proclamé l’indépendance du Katanga ?

L’archevêque de Lubumbashi, par ailleurs, n’est pas le premier à avoir initié ce forum. Avant lui, Jean-Claude Kazembe a porté cette lutte. Incompris, il n’a pas abandonné. Peut-être parce que certains y ont vu une manœuvre des kabilistes pour fragiliser le président Tshisekedi.

Mais Kazembe était kabiliste, et en froid avec Katumbi pour son rôle dans les démêlées judiciaires de Katumbi. Pourtant, il a fait le pas vers celui-ci.

Aussi, comment penser qu’une paix entre Katangais est une menace contre le président Tshisekedi et continuer de penser qu’on reste toujours dans la citoyenneté et l’unité congolaise mise en avant ? Concevoir le forum de Lubumbashi comme anti Tshisekedi est malheureusement un comportement anti patriotique.

Attention aux sonorités régionales et aux amalgames

On ne peut pas critiquer un mal en causant un autre. S’il y a eu des mots et attitudes qui ont dérapé chez les organisateurs du forum de Lubumbashi, il faut le dénoncer sans amalgame.

Pourtant, beaucoup tendent à mélanger les choses, même en voulant dénoncer des propos ambigus qu’on a entendus au début de ce forum. Mgr Muteba a, par exemple, mentionné qu’il y avait des Katangais et des non-Katangais. Ce qui n’est pas faux, en soi. Mais, sa manière de le dire a fait entendre une sorte de repli identitaire qui gêne certaines sensibilités.

Mais cela ne saurait nullement suffir pour noircir toute la légitimité d’une telle initiative qui contribue à pacifier le Congo. On se parle peu avec sincérité au Congo. Faute d’initiative du genre par le Parlement ou le gouvernement, des organisations citoyennes prennent l’initiative. Pourquoi donc ne pas s’en inspirer pour une réconciliation nationale jamais réalisée ni achevée ?

J’ai voulu dire, par ce blog, que Katangais ne veut pas dire sécessionniste. Qu’on arrête cette manière de présenter les autres. Cela n’aide pas la République et ne sert pas la paix sociale.

 

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