On pourrait, à juste titre, les qualifier de héros. Les léopards ont redonné de la fierté à leur pays. Mais des héros, il y en a de toutes sortes : héros d’une soirée, héros d’un livre ou d’un film. On se passera ici du fait qu’on ait oublié Meschack ou Luvumbu qui ont pourtant brillé. Le football n’est-il pas un sport d’équipe ? Malgré leur mérite, Ibenge et Kimuaki n’auraient pas pu ramener la coupe au Congo, tout seuls. Soit ! Le public qui acclame ses idoles aujourd’hui est le même qui pourra vivement les houspiller demain, s’il arrive que leurs capacités déclinent un jour. Que fera-t-on ?
Des héros laissés-pour-compte
Si l’on finit par se retrouver devant un paquet de chevaliers, des petits héros, à la suite de Kabila-Lumumba, on ne manquera pas de chercher à voir s’il n’y a pas eu dans le tas, des « zéros » infiltrés par la magie des nominations de complaisance ! Ce n’est jamais bon d’être un pays où il y a plus de généraux, plus d’officiers que d’hommes de troupe ! Par ailleurs, il ne faut pas se limiter à un seul aspect de la vie nationale. Il y a bien des héros dans l’ombre qui deviennent des laissés pour compte, et cela peut engendrer des frustrations, voire des contestations ! Des enseignants, des pasteurs, des chefs coutumiers, des gens ordinaires de l’administration publique etc. En définitive, c’est bien d’honorer les sportifs, Messieurs les dirigeants, mais c’est mieux de faire comme eux ! C’est de bonne guerre de s’approprier leurs victoires, mais ce serait plus glorieux de rechercher des victoires sur des fronts beaucoup plus vitaux !
Les victoires des Léopards lors du dernier CHAN ont consolé les Congolais de bien des défaites. Par exemple, le match RDC-Rwanda était d’une haute portée symbolique, comme naguère le match contre le Congo Brazza, après le refoulement des congolais installés à Brazza. Un homme qui suivait la retransmission du match à la télévision est même mort à Goma, lors de l’égalisation. Le pauvre ! S’il avait pu savoir que son pays finirait par remporter la partie ! L’égalisation des Amavuli (équipe nationale du Rwanda) l’a tué, la victoire ne l’a pas ressuscité, hélas ! « Ils n’allaient quand même pas nous battre sur tous les fronts ! » s’est écrié un homme à Lubumbashi. Cela aurait été le comble !
Après les Léopards au CHAN, les gouvernants sur le terrain !
Dommage que nous ne soyons pas aussi forts sur un champ de bataille que sur un terrain de football ! « On peut dire tout le mal qu’on veut de Mobutu, mais sous Mobutu ce n’est certes pas le Rwanda qui allait nous malmener, nous ridiculiser de la sorte ! », commentait un homme, le jour de la finale du Championnat africain des joueurs locaux. La liesse populaire était tout à fait naturelle et légitime après le deuxième sacre des Léopards en CHAN, au Rwanda. Les Léopards, hélas, ne peuvent pas jouer tous les jours ! Mais il y a des matchs qui se livrent tous les jours et qui ne relèvent pas de l’équipe de foot, mais de son équipe gouvernementale. Ces matchs se jouent sur les terrains de la gouvernance, de l’emploi, de la protection de la population et de ses biens, sur les terrains du respect des droits de l’homme et des principes démocratiques notamment.
Mais à quand les victoires de l’équipe gouvernementale de la RDC sur ces différents terrains ? Quand le peuple pourra-t-il descendre sans crainte dans la rue pour manifester sa joie ? Les dirigeants qui décorent volontiers les joueurs, ont-ils les mêmes ambitions que ces derniers : se dévouer, prendre des risques pour leur santé afin de réjouir leurs concitoyens ? Aspirent-ils à être au moins honorés, à défaut de décoration, dans la mémoire de leurs compatriotes ? À quand la finale victorieuse contre les FDLR, ADF-Nalu et autres semeurs de guerre qui écument l’Est du Congo ? Vingt ans de prolongations sans un seul penalty décisif, c’est plus que trop ! Comme au CHAN, qu’on aille même aux tirs aux buts !