Assez des injures publiques en République démocratique du Congo ! Nous courons le risque que cela se normalise. Il faudrait bien que décideurs et instances judiciaires se révoltent pour stopper cet opprobre qui va bientôt nous couvrir.
Pour un rien, des citoyens congolais s’injurient, surtout sur les routes. Lubumbashi, deuxième grande ville de la République démocratique du Congo, voit exploser le nombre d’automobiles. Mais les routes où elles roulent n’ont guère évolué : construites dans les années 1960, elles sont faites pour quelques milliers d’habitants alors que la ville compte plus d’un million de personnes à ce jour. Conséquence directe, des bouchons énervants aux heures de grande circulation. Sept heures, midi, dix-huit heures. Ces heures sont aussi celles où vous risquez d’entendre d’écœurantes insultes.
Des routes qui inspirent injures et insultes
Beaucoup de chauffeurs d’automobiles congolais savent conduire leurs véhicules, mais n’ont pas appris à circuler sur les voies publiques. Certains défauts de savoirs routiers ont le pouvoir de vexer, surtout les citoyens qui croient encore au respect des règles et de la morale. Malheureusement, aux heures des bouchons sur les routes, respecter les règles n’est pas monnaie courante à Lubumbashi.
Même si l’injure sert à interpeller une personne, ou à montrer au fauteur qu’il est en tort, cela reste un drôle de manière de s’adresser à quelqu’un en société. « Dans quel pays s’insulte-t-on comme ça ? » s’inquiète un professeur d’université, parlant à ses étudiants dans une classe. La morale publique se dégrade…
Malheureusement, les violents se font respecter
Sur la route Kasapa, un chauffeur s’est fait copieusement battre par un officier militaire. La scène se passe vers 8 heures. Le conducteur de bus demande à une jeep le passage. Sans succès. Lorsqu’il réussit à dépasser la jeep, il lance une insulte, suscitant l’indignation de certains de ses passagers. La jeep réussit à le rattraper quelques minutes plus tard. C’est un major de l’armée qui sort du véhicule. « Pourquoi m’as-tu injurié ? Que t’ai-je fait de mal ? » demande-t-il. Le garde s’est chargé de le discipliner, malheureusement, avant de l’acheminer au commissariat de la police.
L’injure en politique
Les routes sont loin de rester la seule zone infestée par les injures. Les insultes n’épargnent pas la politique congolaise. Déjà à l’époque du dictateur Mobutu, les opposants avaient parfois insulté le chef de l’Etat en public. Plus récemment, le ministre Kin-Key Mulumba, par exemple, a traité l’opposant Moïse Katumbi de « primairien », insinuant qu’il n’avait pas été plus loin que l’école primaire dans son instruction. Une véritable insulte, dans un pays où l’on rend un culte aux diplômes.
Dans une conférence de presse retransmise en direct sur la télévision publique (RTNC), Lambert Mende, ministre des médias et porte-parole du gouvernement a insulté ce même Moïse Katumbi de « voyou » l’invitant par la même occasion à retourner à l’école pour étudier.
Ces comportements sont inquiétants, d’autant plus que ces dirigeants appartiennent à un gouvernement qui dit promouvoir une « nouvelle citoyenneté ». Je crois que nous devrions avoir le courage de nous arrêter un jour et de nous dire : « ça suffit » avec les injures.