Originaire de Rohero, un quartier chic de l’ancienne capitale du Burundi, rien ne laissait présager une telle célébrité des décennies plus tard. Mais les guerres incessantes dans la sous-région et l’influence d’Internet ont pu transformer le « business man » en « homme de Dieu » aguerri.
À l’image de Moïse, le personnage biblique de l’Exode, c’est difficile de croire que sa trajectoire soit celle vécue par une seule personne. Et les vertus de grand leaders et de leur influence sur l’humanité sont tout de même indéniables.
Né dans un quartier huppé de la ville de Bujumbura en 1973, et aîné d’une fratrie de six, Chris Ndikumana ne s’était jamais imaginé, une vingtaine d’années plus tard, errant dans les ruelles de Lubumbashi.
En octobre 1993, alors qu’il commence ses études à l’université du Burundi, la guerre civile le surprend. Le jeune Born-again décide de s’envoler pour l’Afrique du Sud, où il avait une promesse de bourse d’études. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. En bon dealer, après avoir raté sa bourse, il tisse des liens avec deux hommes blancs et un Congolais pour un deal de commercialisation de minerais de la RDC. C’est le début d’une aventure périlleuse.
Dans les rues de Lubumbashi
Une fois le marché conclu, les quatre complices se rendent dans la ville de Lubumbashi où ils concluent des accords avec des partenaires commerciaux pour pouvoir acheminer les minerais vers l’Afrique du Sud.
Avant de retourner dans son pays hôte, la « guerre de libération » éclate et c’est le début du calvaire. Le jeune homme au corps svelte est arrêté parmi les Tutsi rwandais accusés de semer le trouble.
Il est passé à tabac, dépouillé, puis abandonné mourant dans les rues de Lubumbashi. Là-bas, un bon Samaritain issu d’une famille très modeste le cache dans sa maison, lui sauvant ainsi la vie. Chris Ndikumana vendit tout pour survivre. Il n’avait plus qu’un seul pantalon qu’il porta pendant quatorze mois, avant de rencontrer un autre bon Samaritain. Ce dernier l’exfiltra de Lubumbashi à Kigali en 1997.
Une fois arrivé à Kigali, le jeune homme pensait avoir échappé à la mort et à la galère. Il prévoyait de retourner dans son pays natal, mais les temps n’étaient pas propices, car à l’époque, le Burundi était sous embargo. Chris Ndikumana dût rester quelques temps à Kigali. Là, une femme servant Dieu lui révèle qu’il doit retourner en Afrique du Sud et que c’est la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’en 1998, après un court séjour à Bujumbura, il débarque de nouveau en Afrique du Sud, sans trop savoir pourquoi, et y reste pendant trois ans.
À son retour à Bujumbura en 2001, le jeune Chris lance une petite entreprise : un cybercafé nommé Blue Net. C’est là que commence sa mission, car il apprend à rédiger des messages qu’il envoie par e-mail depuis 2006.
« L’appel de Dieu »
En 2007, celui qui deviendra le plus célèbre des hommes de Dieu reçoit « un appel de Dieu » lui intimant l’ordre de tout laisser pour se consacrer à la prédication de la Bonne Nouvelle. Après avoir hésité un moment, il fut persuadé et suivit l’appel. Il continue à envoyer des mails dans des groupes des amis, puis à des connaissances et à tous ceux qui se sentaient intéressés.
Entre-temps, cette « mission » ne lui rapporte rien. Le pain du Saint-Esprit ne suffit pas et il dût s’endetter ici et là. Après des années d’épreuves, sans perdre sa motivation, il reçoit des connexions via les messages qu’il envoie et des partenariats, et la vie reprend un peu son cours normal.
La guerre, les audios WhatsApp, puis le nouveau départ
Jusqu’en 2015, l’homme de Dieu mène une vie tranquille, presque dans l’anonymat. Il a désormais des centaines d’abonnés qui reçoivent ses textes de la Bonne Nouvelle, des collaborations avec des ministères a l’étranger.
Alors que le pays est en proie à une crise politico-sécuritaire, Chris Ndikumana décide d’envoyer un message audio à un groupe WhatsApp pour tenter d’apaiser les gens qui avaient peur. A sa grande surprise, l’’audio de sept minutes en kirundi devient viral. Il est partagé parmi plus de 5 000 personnes. Et les gens commencent à affluer dans des groupes WhatsApp où un message audio de prédication sera désormais partagé quotidiennement.
Son émission, qui a marqué les esprits, est baptisée Kanguka (littéralement : « Réveillez-vous »). Son credo : « Il est interdit de se plaindre. » L’émission devient ainsi « l’audio miracle » qui va éclairer non seulement les Burundais, mais aussi le monde entier. Des milliers de personnes affluant dans ses croisades.