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Désinformation : l’arme qui tue la paix dans les deux Kivu

Je vis dans l’est de la RDC, entre les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ici les conflits interethniques et identitaires font partie du quotidien. Ce qui me frappe le plus, ce n’est pas seulement la violence visible, mais c’est aussi la guerre invisible : celle de la désinformation. Une guerre qui s’infiltre dans les conversations, dans les radios communautaires, sur WhatsApp, dans les discours des leaders… La paix devrait commencer par la vraie information.

Je le dis ici sans détour : la désinformation est aujourd’hui un facteur aggravant des conflits dans nos provinces. Elle désoriente les actions qui visent la paix, elle brouille les pistes, détourne l’attention sur de vraies responsabilités. La désinformation manipule l’opinion publique au point que les gens ne savent plus distinguer le vrai du faux, l’agresseur de la victime, la cause profonde du conflit des simples rumeurs montées de toutes pièces.

Dans cette confusion, on oublie que les conflits ne tombent pas du ciel. Ils naissent souvent dans le cœur d’un individu blessé, frustré, ou instrumentalisé. Ensuite, ils s’étendent à quelques familles, puis à des groupes entiers. Mais aujourd’hui, on préfère nous faire croire que tout est communautaire dès le départ. C’est plus simple, plus vendeur, plus efficace politiquement.

La désinformation, une arme de guerre 

Je vois des leaders communautaires et politiques instrumentaliser les blessures, entretenir les divisions, inventer des récits de haine. Certains s’improvisent défenseurs de leur ethnie, alors qu’ils ne défendent que leurs ambitions personnelles. Ils utilisent la désinformation comme une stratégie électorale, une dose bien calculée pour se faire passer pour des sauveurs de leur communauté. Et ça marche ! La victime devient bourreau, le bourreau devient héros, et le cycle se répète.

Le pire ? Cette stratégie se généralise. On entend les mêmes discours à Beni, à Kinshasa, à Uvira, à Kalehe, à Masisi… Les mêmes clichés, les mêmes appels à la méfiance, les mêmes théories du complot. On divise pour mieux régner, on dresse les uns contre les autres pour cacher l’échec de la gouvernance de nos leaders et l’absence de réponses concrètes aux problèmes socio-économiques.

Pendant ce temps, les vrais artisans de la paix sont découragés. Les initiatives pour la cohabitation pacifique sont discréditées ou ignorées. Le doute s’installe. Qui dit vrai ? Qui manipule qui ? À qui faire confiance ?

À ces questions, je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Mais je suis convaincu d’une chose : tant qu’on ne s’attaque pas à cette guerre de l’information, tant qu’on ne déconstruit pas les discours de haine et les récits mensongers, on ne construira jamais une paix durable. Il nous faut une éducation critique, des médias responsables, des leaders éthiques. Et surtout, il nous faut le courage, chacun à son niveau, de refuser d’être les relais de la désinformation, cette guerre invisible. Parfois, une fausse information peut tuer plus sûrement qu’une balle !

 

 

*Ce contenu de sensibilisation est produit dans le cadre du ‘’Peace Project’’, un projet de paix mené dans l’est de la RDC, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, en partenariat avec l’ONG néerlandaise Mensen Met Een Missie (MMM). Ensemble, nous encourageons les communautés à adopter et à partager davantage de récits alternatifs et inclusifs, afin de promouvoir la paix sociale, le dialogue et le vivre-ensemble. Cette initiative s’oppose aux discours de haine, à la manipulation et à la violence, qui fragilisent le tissu social.

 

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