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Le double malheur des veuves des militaires au Nord-Kivu 

Depuis deux mois, les veuves  de militaires mènent des actions d’envergure comme jamais auparavant à Goma. Elles sont plusieurs centaines à multiplier les marches et sit-in devant les bureaux du commandement de l’armée, à la MONUSCO,  au cabinet du gouverneur et à l’Assemblée provinciale, réclamant entre 9 et 15 mois de soldes impayées.

« C’est inacceptable que nous veuves et orphelins des soldats morts pour le pays soyons ainsi maltraités. Nos enfants meurent de faim. Certaines d’entre nous se suicident à cause du poids de la vie », se confie la coordonnatrice provinciale des veuves de guerre, Kahindo Amosi. 

Depuis 2006, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC)  et battent contre différents groupes armés, nationaux et étrangers.  Mais leur traitement au front est souvent remis en cause par les experts de la société civile ou des ONG locales. Beaucoup de militaires combattent sans que leurs familles ne reçoivent leur solde. 

Parfois même, cet argent destiné aux salaires est détourné. Ils n’ont aucune possibilité de réclamer tant que dureront les combats. Ils reçoivent des rations insuffisantes. Cela affecte leur performance au combat et beaucoup meurent ainsi. Et comme si cela ne suffisait pas, des officiers hauts gradés détournent même la nourriture des soldats au combat depuis deux mois. Un procès dans ce sens est en cours à Beni, où les FARDC combattent les rebelles ougandais ADF.

Femme ou compagne, vraie ou fausse veuve : le dilemme

C’est connu qu’au Congo, les militaires ont des compagnes partout où ils sont mutés. Comme le mariage coûte cher, ils cohabitent et font des enfants sans aucun acte de l’Etat civil, ne les liant pas officiellement à leur progéniture. A la mort d’un soldat, trois ou quatre femmes de différentes villes se présentent comme ses veuves aux bureaux administratifs de l’armée. « C’est cela l’une des situations difficiles à démêler. Il  y a de vraies veuves et de fausses veuves. Une seule veuve peut parfois réclamer dix soldes. Comment voulez-vous qu’une seule personne soit veuve autant de fois ? », explique le capitaine Guillaume Njinke, porte-parole de la 38eme région militaire du Nord-Kivu.

D’autres parts, selon un autre officier de l’armée : « Il existe des officiers qui créent des fausses veuves et détournent l’argent des vraies veuves et orphelins »,  reconnaît le général Fall Sikabwe, commandant en chef de cette même région militaire. En 2015, un vaste programme d’identification des veuves a été lancé. Mais selon ces veuves, certaines d’entre elles n’ont pas été identifiées parce que l’équipe militaire venue de Kinshasa pour ce travail aurait exigé à chacune d’elle, le paiement d’au moins 80 dollars américains pour figurer sur le listing définitif.

Sur les 4 400 veuves, seules 920 perçoivent à ce jour la solde de leurs maris. Pour les oubliées, il s’agit d’un flou entretenu par certains responsables militaires pour se faire de l’argent sur leurs dos, révèle un article de la radio Okapi.

Depuis juin 2016, ces femmes veuves non identifiées et même certaines identifiées, ne reçoivent plus le salaire de leurs époux morts à titre de dédommagement et n’arrêtent plus de manifester. Elles sillonnent les rues de Goma scandant des chansons lugubres où elles parlent à leurs époux disant : « Papa tu es mort pour ton pays, mais en retour ton pays affame ta femme. Et tes enfants ne vont pas à l’école. Nous te rejoindrons bientôt ! »

Récemment, le président de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu leur a promis l’implication des députés provinciaux qui devraient plaider pour leur cause afin d’obtenir ces arriérés auprès du bureau des ressources humaines du ministère de la Défense à Kinshasa. Espérons que cela aboutisse. Ces femmes ont subit un premier malheur, le veuvage, et doivent désormais faire face à un second la pauvreté due au détournement des soldes de leurs défunts époux.

 

 

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