Le débat est longtemps resté derrière les rideaux. Vendredi 13 décembre, devant députés et sénateurs réunis en congrès, le président Fatshi, dans son premier discours sur l’état de la nation, a émis le vœu de voir la double nationalité être légalisée en RDC. Dans la mémoire collective, double nationalité rime souvent avec européanisation de certains de nos compatriotes. Cependant, je me demande si nous sommes vraiment prêts à abandonner « officiellement » l’unicité et l’exclusivité de notre nationalité.
« Nous sommes tous directement ou indirectement touchés par la question de la double nationalité. Beaucoup de nos membres de familles, nos amis ont acquis d’autres nationalités pour diverses raisons… J’en appelle ici à des réflexions approfondies pour nous permettre de résoudre définitivement cette question et de nous adapter à l’évolution du monde ». Voilà un passage du discours de Félix Tshisekedi qui a retenu mon attention. Si son prédécesseur est resté muet ou presque sur la question, Tshisekedi a, lui, préféré éviter l’hypocrisie. Une position qui rencontre celle de la majorité des Congolais, surtout ceux qui rêvent d’acquérir ou possèdent déjà une autre nationalité.
Un principe vieux de 47 ans
Dans la Constitution, le principe « d’unicité et d’exclusivité de la nationalité congolaise » est consacré dès l’exposé des motifs et renforcé par l’article 10 de la Constitution. Celui-ci stipule : « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. » En soi, le législateur n’a rien inventé mais a plutôt constitutionnalisé une mesure qui date de 1972. La loi n° 72-002 du 5 janvier 1972 relative à la nationalité zaïroise interdisait le cumul des nationalités. Mesure durcie par la loi n° 1981/002 du 29 juin 1981 sur la nationalité zaïroise qui introduisait ainsi « l’unicité et l’exclusivité de la nationalité ».
Mais dans les faits, la disposition est foulée au pied, au vu et au su de tous. Si on ne dispose d’aucune preuve pour pointer directement X ou Y du doigt, le cas de nos sportifs est cependant le plus éloquent avec le concept « nationalité sportive ». Non seulement bon nombre de nos Léopards « binationaux » possèdent des passeports congolais en bonne et due forme, mais aussi sont gracieusement traités aux frais de l’État alors qu’ils violent de manière flagrante la loi sur la nationalité. D’où la question : « Pourquoi continuer à faire semblant et interdire ce que nous pratiquons déjà ? »
A cette question, plusieurs Congolais, dont moi, seront tentés de répondre par un avis favorable. Mais j’ai voulu d’abord connaître le pourquoi de l’interdiction de la double nationalité. En interrogeant l’histoire, je me suis rendu compte du contexte de notre Constitution à l’époque, fruit d’un consensus né des accords post-conflits. Dans l’esprit du législateur, il fallait coûte que coûte éviter un boom d’expatriés demandeurs de la nationalité congolaise surtout avec la réalité de la RDC, seul pays africain à avoir neuf voisins. Aussi, il fallait protéger la « congolité », ce concept déplacé très en vogue lors des élections de 2006.
Vive la globalisation pour un Congo émergent
A mon avis, je pense qu’il est temps de briser la glace et de sortir du confort inconfortable de la congolité. Dans un monde de plus en plus globalisant, aucun peuple, aucune nation ne peut réussir seul, surtout que les frontières nationales tendent à disparaitre et laissent place à un village planétaire.
La double nationalité c’est aussi la tolérance et la cohabitation des peuples. C’est accepter que les Congolais acquièrent les nationalités rwandaise, djiboutienne, etc. Mais aussi, par effet inverse, que les originaires d’autres pays qui le souhaitent et en font la demande, obtiennent la nationalité congolaise. Alors, sommes-nous prêts à adopter et à bien traiter les Rwandais qui choisissent la RDC comme seconde patrie ? Après tout, pourquoi accepterait-on un Européen naturalisé et pas un frère africain ?