État de droit, état d’urgence, État-providence, état de siège… Décidément, le Congo ne veut épargner aucun vocable politique ou militaires. Aujourd’hui c’est l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu. Mais qu’est-ce qui va changer dans ces deux provinces ?
Faisons un petit historique en commençant par l’état d’urgence. La première fois que j’entends ces mots (état d’urgence), nous sommes en novembre 1996. A Kinshasa, la presse parle de la chute d’Uvira entre les mains de rebelles zaïrois. Quelques jours plus tard, des combats d’artillerie frappent Bukavu et Goma à partir du Rwanda voisin. Le gouvernement de Kengo Wa Dondo parle alors d’agression extérieure. L’Etat d’urgence est décrétée dans les Kivu et l’administration est confiée entre les mains des militaires.
De cette période jusqu’à la chute de Mobutu, l’armée assurera la primature avec le général Likulia Bolongo et l’administration de la ville de Kinshasa avec le général Denis Kalume.
Les Kivu : un brasier permanent
La région, déjà en proie à des conflits ethniques liés à la terre et à la nationalité, est secouée par l’arrivée massive des réfugiés rwandais. Parmi eux, 50.000 soldats de l’ancienne armée rwandaise en fuite entrent avec armes et bagages. Devant eux, il n’y a que 5.000 soldats zaïrois mal équipés et mal payés. Cette situation favorise l’insécurité dans la région.
La prolifération des armes favorise la création des milices. Milices d’abord d’autodéfense qui ensuite se mueront en mouvements insurrectionnels. Hormis le M23 qui avait des objectifs plus ou moins politiques, les autres rébellions se constituent en réaction à des tensions communautaires comme la Codeco en Ituri où le conflit entre agriculteurs et éleveurs s’est transformé en lutte armée.
L’insécurité à l’Est a été le ventre mou de toutes les administrations qui se sont succédé à la tête du pays. A son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a promis de s’installer à Beni au Nord-Kivu, épicentre de nombreux massacres pour mettre fin à l’insécurité. Depuis, à chaque tueries, ses détracteurs ne se lassent de pointer du doigt son incapacité à régler le problème.
L’état de siège
Deux ans après sa promesse, Félix Tshisekedi décide de décréter l’état de siège. Une nouvelle configuration de la décision de 1996 qui donne les pleins pouvoirs à l’armée et introduit des mesures d’exception, même si de nombreux activistes pensent que la solution à l’Est ne consiste qu’en une réforme de l’armée.
Un gouverneur militaire aura la latitude de gérer les fonds de la province en les orientant vers l’armée, la police et les renseignements pour plus d’efficacité. La prime des soldats au front pourrait ainsi être revue à la hausse. De nouveaux impôts peuvent être levées pour financer l’effort de guerre. Des mesures plus strictes appliquées pour limiter la circulation de nuit et ainsi limiter les mouvements suspects.
La liberté de parole (sur les réseaux sociaux notamment) sera surveillée. Tous les délits seront jugés par des tribunaux militaires et les contrôles et bouclages deviendront des routines.
Des mesures qui ne plairont certainement pas à tout le monde et qui transformeront l’Ituri et le Nord-Kivu en forteresse assiégée. Mais n’est-ce pas le prix de la paix tant réclamée par les Congolais ?