Dans l’univers des réseaux sociaux, il n’est pas rare de tomber sur des débats enflammés concernant des dérives constatées dans la société. Délinquance, tapage nocturne, insalubrité, non-respect du bien commun, sont autant de sujets qui alimentent les cercles de discussions en ligne, très souvent avec en toile de fond, un raccourci vers la politique et la gouvernance nationale.
Récemment, une publication d’un humoriste congolais a suscité une controverse sur l’influence négative de certains influenceurs sur la pensée collective des Congolais. Ce débat a mis en lumière des divergences profondes dans la compréhension du vivre-ensemble au Congo, mettant en exergue l’existence d’un clivage culturel et mental entre les Congolais de l’Est et ceux de l’Ouest.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a initié une campagne de moralisation visant à réguler les dérives des influenceurs des réseaux sociaux. Cette initiative a ouvert une discussion sur la nécessité de réévaluer nos mœurs à l’ère du numérique. Cependant, les réactions à cette initiative ont souvent pris une tournure polémique, soulignant les divergences dans la perception de nos cultures.
Même des intellectuels tombent dans le piège
Benjamin Babunga, connu pour ses chroniques historiques, a provoqué un débat en attribuant les comportements négatifs de certains influenceurs à une caractéristique spécifique aux Congolais de l’Ouest, en particulier ceux de Kinshasa. Selon lui, les Congolais de l’Est seraient moins enclins à cette inversion des valeurs. Cette assertion qui ne repose sur aucune étude a été critiquée pour sa généralisation abusive et son potentiel à alimenter les stéréotypes et le tribalisme.
En attribuant des comportements négatifs à une région spécifique, Babunga perpétue un intellectualisme de salon qui fragilise le tissu social du Congo en attisant les passions, révélant l’instrumentalisation du sujet culturel à la propagande politique, celle-là même qui lors des élections de 2011, a mis en avant le clivage Est-Ouest. Cette approche sectaire et identitaire, souvent masquée sous un vernis d’intellectualisme, repose sur des perceptions subjectives plutôt que sur des faits vérifiables. Les partisans de cette théorie associent dans leurs raccourcis, le lingala, langue parlée principalement à l’Ouest, à la « bêtise de masse ».
Éviter la généralisation
Ce type de théorisation identitaire est dangereux, car il réduit la complexité des comportements humains à des stéréotypes linguistiques ou géographiques. L’histoire nous enseigne que de telles théories, lorsqu’elles sont adoptées par des intellectuels influents, peuvent avoir des conséquences catastrophiques, comme l’ont démontré les régimes totalitaires du XXe siècle où les aléas de la vie quotidienne ont servi de base à la construction d’une communication identitaire.
Contrairement aux essentialistes, je crois que chaque individu se définit par ses actions et que le libre arbitre permet à chacun de choisir son propre chemin. L’être humain n’est pas prédestiné à des comportements négatifs en raison de son origine géographique, culturelle ou linguistique. Chaque individu a le pouvoir de changer et de se réinventer, indépendamment des stéréotypes et des préjugés.
Les différences culturelles et mentales existent, mais elles ne doivent pas servir de prétexte à des divisions artificielles. Il est crucial de favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle pour renforcer la cohésion nationale et construire un Congo uni.