L’État de droit implique la participation de tous, y compris celle de la femme. Quel rôle peut donc jouer la femme pour consolider cet Etat de droit ? Voilà une question qui a donné lieu à de vives discussions entre les femmes lors de la conférence-débat dénommée #FaceAuxJeunes organisée par Habari RDC à Mbujimayi.
Dans une salle dominée en majorité par des femmes de moins de 35 ans, un participant pose une question qui sonne comme une provocation : « Depuis l’indépendance du pays jusqu’à ce jour, citez-moi le nom d’une seule femme qui ait marqué l’histoire politique du Congo en jouant un rôle de premier plan ? » Silence total dans la salle, puis la révolte. « Non mais, il y a beaucoup de femmes monsieur ! », réplique une participante sans donner de noms précis. Et le débat est engagé. Ça discute dans tous les sens. « Vous les hommes, vous croyez qu’il n’y a que vous dans ce pays ? », interroge une jeune fille presqu’en colère…
Or, l’idée derrière la question du premier intervenant était de pousser les femmes à se sentir beaucoup plus interpellées pour s’engager davantage en politique et faire changer les choses. On connaît de grands noms qui ont marqué l’histoire politique du pays : Kasavubu, Lumumba, Gizenga, Tshisekedi, Kabila, Mobutu, etc. Mais aucune femme dans cette catégorie. Il y a eu certes quelques femmes ministres, gouverneurs de province, etc., mais de faible envergure.
Des femmes muettes au Parlement
L’oratrice du jour, maître Isabelle Lubuya, point focal du Centre Carter à Mbujimayi, est aussi déçue par le comportement de certaines femmes politiques du Kasaï-Oriental. Selon elle, quand les femmes obtiennent des mandats lors des différentes élections, ce n’est pas pour qu’elles aillent dormir au Parlement et dans les fonctions politiques qui leur sont confiées. Elles doivent parler, interpeller les autorités, faire voter des lois équitables pour tous, se distinguer par une bonne gestion et une intégrité morale. C’est cela qui fera leur contribution à la consolidation de l’État de droit. « Je ne peux comprendre qu’une femme politique puisse se rabaisser jusqu’à être une simple porteuse de mallettes et de téléphones des ministres hommes », déplore maître Isabelle.
Son discours semble émouvoir la salle. Deux camps se dessinent. L’un croit que tout va bien et que la femme n’a rien à se reprocher ; par contre, l’autre estime que la femme politique présente encore beaucoup d’insuffisances et doit se remettre en question pour s’améliorer. Ce deuxième camp a donné les différentes raisons qui bloquent l’émergence de la femme en politique. Entre autres : les préjugés, les discriminations basées sur le sexe, la non application des lois sur la parité, etc. « Cette conférence nous permet de voir les faiblesses et les points forts de notre combat en tant que femmes. La femme doit délier sa langue, valoriser ses compétences… Nous allons nous battre pour que la femme kasaïenne participe réellement à la consolidation de l’État de droit », a promis Berthe Kanyiki présidente d’une ONG de défense des droits des femmes à Mbujimayi.
La femme, obstacle à elle-même
Un autre participant, André Rosier Kasonga, estime que dans tout ça, « la femme elle-même constitue un obstacle à sa propre émergence en politique. Car, lors des élections, la femme préfère voter pour les hommes ». Argument qu’admet Adolphine Tshidibi, candidate malheureuse aux dernières législatives. Parlant des femmes politiques, elle ajoute : « Plusieurs femmes n’ont pas la passion de la politique. Elles s’y trouvent parce qu’elles ont été sollicitées ! »
Ces discussions ont poussé la député provinciale Julie Kalenga, présente à la conférence, à s’engager publiquement à mener le combat en faveur de la femme au sein de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental. Le débat, de plus en plus chaud, a continué jusque dans la rue.