La corruption qui gangrène le système judiciaire congolais conduit la population à se faire elle-même justice. Excédé par l’insécurité dont il est victime, le peuple n’hésite pas à recourir à la vindicte populaire en lynchant ou en brûlant vifs les bandits.
Les bandits armés et autres voleurs amenés à la police sont souvent relâchés quelques jours après, sans la moindre justification. Ils circulent dans les rues sans être inquiétés. Conséquence : la population perd confiance en la police et en la justice. Les bandits ainsi remis en liberté ne craignent pas de récidiver. Voilà pourquoi la population en arrive à se venger.
Le fait de tuer un voleur paraît alors comme quelque chose d’acceptable à Lubumbashi. Pourtant, ce sont des actes condamnables par la loi. Mais il y a une certaine confusion qui s’est installée. Les autorités politiques et administratives ne cessent d’appeler la population à « se prendre en charge ». Que veut dire « se prendre en charge » ? Tuer ? Se venger ? Se faire justice ? Les interprétations sont multiples.
Pas de confiance en la justice congolaise
Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la justice populaire. Mon souci est simplement d’alerter sur le fait qu’en raison de l’absence d’actions rassurantes des autorités publiques, la société utilise ses propres moyens pour se protéger. La loi interdit de tuer ou de se faire justice, mais lorsque par exemple dans le quartier Kalubwe, en périphérie de Lubumbashi, de nombreux meurtres sont attribués aux voleurs et aux hommes identifiés comme des policiers et des soldats, les gens décident de se défendre.
Lorsqu’elles sont libérées par la police, les gens ont tendance à croire que ces personnes sont protégées par les autorités. Mais la justice populaire est illégale et ses victimes ne peuvent malheureusement pas jouir du sacro-saint principe de présomption d’innocence. Qu’elles soient innocentes ou non, les personnes visées par la colère populaire ne bénéficient d’aucun procès et deviennent elles-mêmes des victimes. Bref, la justice doit rassurer la population en posant des actes qui vont dans le sens de la lutte contre l’impunité.
Problèmes de communication et d’éducation
De nombreuses enquêtes ont été ouvertes dans des affaires de meurtres et de vols dans différents quartiers de Lubumbashi. Hélas, dans la plupart des cas, les résultats de ces enquêtes n’ont été communiqués ni à la presse ni à la population. Ce qui laisse croire qu’elles ne sont lancées que pour tromper l’opinion. Mal formés, débordés et sous-équipés, les policiers ne peuvent pourtant pas donner plus qu’ils ne peuvent. Certains ne sont pas prêts à mettre leur vie en danger pour essayer de délivrer des voleurs tombés entre les mains des foules en colère.
Mettre simplement en prison des gens qui ont tué semble ne pas être une solution équitable aux yeux de certaines personnes. On comprend alors qu’une des causes des violences populaires, c’est l’absence d’éducation à la paix et au droit. Le niveau d’instruction et la qualité des enseignements que notre système éducatif donne aux Congolais y sont pour beaucoup. Dans toute justice populaire, il y a toujours trois fautes : celle de la justice de l’État, celle des autorités et des services de sécurité, et celle de la société elle-même. Nous disons non à l’impunité et à la justice populaire.