article comment count is: 0

L’artiste Jacques Bana Yanga, « l’homme de Kinshasa »

Le visiteur débarquant à Kinshasa est immédiatement envahi par la lumière, une chaleur humide, mais surtout par les sons et les vibrations de la capitale congolaise… Découvrons l’ambiance de Kinshasa à travers le travail de l’artiste Jacques Bana Yanga.

Douzième enfant sur seize, Jacques Bana Yanga grandit dans le quartier populaire de Bandalungwa surnommé « Bandal » ou « Paris » en raison de sa population jeune, branchée, « sapée » et ses nombreux bars et boîtes où l’on danse pour oublier les difficultés de la vie kinoise. On danse au rythme de la rumba, du zouk, du hip hop et d’autres sonorités décapantes.

Le concours de la danse traditionnelle

Âgé de huit ans, Jacques assiste par hasard à un cours de danse traditionnelle congolaise. Curieux, il demande au professeur de lui enseigner les techniques de danses et espère intégrer le groupe.

À 14 ans, Jacques perd son père et quitte le foyer pour danser dans les rues et trouver les moyens de nourrir sa famille. Petit-à-petit, grâce à divers stages et rencontres clés, il développe une technique originale de danse contemporaine, mixant la danse moderne, le jazz, le hip hop et les danses traditionnelles inspirées de plusieurs pays africains.

En 2006, il crée la compagnie « Jacques Bana Yanga » et une série de spectacles. Repéré au niveau international, il voyage sur les quatre continents et apprend la scénographie avec des ballets occidentaux.

Le vecteur d’expression des valeurs africaines

Pour Jacques, la danse devient vite un vecteur d’expression des valeurs africaines et de dénonciation des exactions dont font l’objet les populations victimes de guerre, mais aussi de pauvreté due à la corruption et au pillage de ressources par la communauté internationale.

Il considère que la danse est un vrai langage, le siège du théâtre du corps. « Quand on monte un spectacle, on ne danse pas juste pour danser, mais pour raconter quelque chose. Cela n’a rien à voir avec danser dans un club ou dans la rue. Par la scénographie, on transmet vraiment des messages et des réflexions sur le monde », explique-t-il.

Le 12 mars 2022, Jacques me fait visiter l’espace culturel « Ntongo Elamu » qu’il a créé avec Terae Soumah en avril 2021. Ce centre dont le nom en lingala peut être traduit par « un bon matin », est situé dans son quartier de Bandal. Il accueille des artistes nationaux et internationaux à qui il offre un espace de résidence et de création dans les domaines de la danse, du cinéma, de l’écriture, des arts plastiques, de la musique, etc.

« Ntongo elamu » est un cadre offert aux jeunes talents de Kinshasa qui n’ont pas les moyens d’aller à l’école pour développer leur sens artistique personnel. Pour Jacques, « tous les enfants kinois dansent dès leur plus jeune âge. La musique et la danse sont en nous. On peut apprendre des techniques par des stages et la culture des différents mouvements, mais l’enfant africain a naturellement la base, le rythme ».

A travers le centre, Jacques soutient des femmes chorégraphes de douze pays africains pendant trois ans pour leur donner plus de visibilité grâce à ses ateliers et mises en réseau.

Les stages de danse en Belgique

A l’international, il anime régulièrement des stages de danse en Belgique, en France, en Espagne et ailleurs, mais il revient toujours chez lui à Bandal où il trouve l’inspiration pour ses chorégraphies. Son dernier spectacle « Laisse-moi parler » traite du chômage, des sorcières, du pouvoir, de l’obéissance, de l’ingratitude.

Jacques se souvient : « Je suis né au Congo où il y a beaucoup de choses qui se passent, mais où on n’a pas le droit de parler, on doit garder le silence. Comme j’étais le douzième de ma fratrie, je n’avais également pas la parole, car dans la culture africaine tu n’as pas le droit de parler devant les plus grands.

Avec la danse, j’ai senti qu’il m’était donné le droit de m’exprimer,  car dès que j’ai commencé à voyager, j’ai vu d’autres choses et je suis en mesure de mieux juger maintenant. »

Vibrants, colorés, costumés, et en toile de fond la dénonciation, l’amour et la rage, les spectacles de Jacques Bana Yanga sont dignes de grandes scènes internationales et sont la preuve éternelle que la danse reste un des arts les plus complets qui existent.

Jacques, homme de Kinshasa, c’est de la pépite !

Les yeux brillants, le corps sculpté, l’énergie haute, l’âme ancienne, il change le monde, discrètement, sur le terrain, en y croyant toujours et en ne faisant pas de l’argent la valeur la plus essentielle, mais plutôt en le troquant contre la fierté de sauver quelques vies, de redonner le sourire, de vibrer, de sentir cette joie nous transpercer.

Vous pouvez voir Jacques et sa compagnie le 17 juin 2022 au centre Ntongo Elamu de Bandal pour son premier anniversaire. Il donnera ensuite des stages à Paris du 23 au 25 juin et en Suisse du 4 au 6 juillet. Il préparera enfin la 12e édition du festival international de danse de Kinshasa « Me ya be » qui aura lieu du 23 au 29 avril 2023 à l’Institut français de Kinshasa. Pour plus de détails sur ces évènements, rendez-vous sur sa page Facebook évènement : Jacques Bana Yanga.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion