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Pauvres Evêques catholiques !

C’est sûr, ce poème que j’ai lu, mémorisé et déclamé au cours de mes études secondaires, dit tout vrai. « Le malheur du curé », c’est son titre. Un titre pour le moins révélateur du choc d’un auteur, vraisemblablement un prêtre catholique dont j’ai oublié le nom. Aujourd’hui, cela s’applique justement aux évêques catholiques de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo).

Pour tout résumer de ce beau poème que beaucoup se souviendront sûrement d’avoir lu un jour dans les milieux catholiques congolais, c’est que « quoi qu’il fasse, le prêtre a toujours tort ». Retenez ça, nous allons l’appliquer à trois situations actuelles étonnamment similaires, et qui conduisent à ce constat.

Dans la politique congolaise, début mars, les évêques catholiques ont, dans une déclaration à l’issue d’une assemblée de la Cenco, alerté sur les retards accumulés dans le processus de préparation des élections attendues en 2023. Ils ont, et c’est cela qui fâche dans le camp du président Félix Tshisekedi, pris position contre tout « glissement » de mandat.

Les élections de 2023, des retards et des énervements

La formule « glissement » est connue de tous les Congolais. Elle a fait parler d’elle sous Joseph Kabila, entre 2015 et 2018, suscitant de nombreuses protestations de la société civile et d’une partie de la classe politique. Il y a eu des mobilisations au cours desquelles la Cenco ainsi que des laïcs catholiques ont été particulièrement actifs, au grand plaisir de l’opposition qu’incarnait alors (avec d’autres leaders) l’actuel président Félix Tshisekedi.

Après le message des évêques publié le premier mars dernier, très vite, on a assisté à une levée de bouclier parmi les proches du pourvoir. D’abord, une réaction musclée de la presse présidentielle. Avec des propos durs, à la Mende, si bien qu’indigné, le président a dépêché son porte-parole pour recadrer les propos, rejetant toute implication dans la publication du communiqué sévère, lequel n’aurait pas suivi le circuit de validation normal selon Kasongo Mwema YambaY’amba.

Soit ! Le problème ici, c’est que ces évêques, que curieusement des membres de l’ancien régime (aujourd’hui quasiment dans l’opposition) louent à propos de leur dernière sortie, énervent ceux qui hier étaient contents de leurs manières de traiter le régime au pouvoir.

Vraisemblablement avec une dose d’ironie, en effet, Patrick Nkanga qui a été le président de la jeunesse du parti présidentiel, le PPRD, sous Joseph Kabila, a écrit ces mots sur Twitter: « Les évêques catholiques, connus pour leur haut sens d’objectivité et de moralité, ont donné le ton ! »

Toutefois, certains membres de l’UDPS, le parti de l’actuel président, ont dénoncé le communiqué rédigé par « les services de la présidence », note encore une fois le même Patrick Nkanga dans presque le même état d’esprit d’ironie.

La Cenco qu’on aime, la Cenco qu’on déteste

On est ici devant une situation amusante, et qui en réalité questionne l’attitude des politiques face à la critique. Visiblement, on a affaire à un camp au pouvoir qui réprouve la critique. Même si elle porte sur une réalité : en 2021, rien n’a démarré en vue de l’organisation des législatives et de la présidentielle de 2023, et c’est dans moins de trois ans.

Le même procédé de la Cenco a pourtant réjoui hier ceux qui aujourd’hui se sentent offusqués par la critique. Or, la critique met simplement ceux qui gouvernent devant leurs responsabilités envers l’Etat et la population. Tout le monde sait qu’au Congo, quand un scrutin n’est pas organisé, toute chose continue comme avant. Le camp de Kabila ayant déjà prévenu qu’il n’accepterait pas de glissement de mandat, il y a fort à parier que les tensions vécues entre 2015 et 2018 réapparaissent à l’approche de 2023.

Et dans ce cas, n’est-il pas normal que les évêques, dans leur « mission prophétique », rappellent à l’ordre ceux qui gouvernent ? N’est-ce pas ici l’occasion de voir en eux qu’il n’ont pas de parti pris, quand bien-même certains pasteurs auraient parmi eux des préférences pour tel ou tel politicien (ce qui du reste, n’est pas un péché !) ?

Pauvres prêtres: ils ne sont bons qu’une fois morts!

Mais que cela suscite aujourd’hui des énervements au point que certains ultras du camp au pouvoir se livrent à des insultes et des dénigrements des pasteurs catholiques, il me semble qu’il y ait encore fort à faire dans le cadre de l’apprentissage de la tolérance, de la diversité d’opinions et de l’acceptation de la critique en RDC.

Surtout, toute cette histoire me rappelle le bon poème : Le malheur du curé. En effet, « quoi qu’il fasse, le prêtre a toujours tort », énonce ce texte. S’il visite les gens et mange avec ses paroissiens, on dit qu’il aime trop manger. S’il s’enferme chez lui à la cure, on dit qu’il n’aime pas les gens. Et, s’il prend trop de temps au confessionnel ou durant ses prédications, on dit qu’il est trop long et lent. Curieusement, s’il meurt, les gens disent qu’il était un bon, un saint homme !

Aimons-nous vivants, arrêtons d’être extrémistes en toute chose au Congo. Comme me disait un prêtre : n’exagérons pas même avec les bonnes choses !

 

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