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Le photographe Aubin Mukoni, lauréat au World Press Photo 2025 pour son regard sur le lac Kivu

À seulement 25 ans, le photojournaliste congolais Aubin Mukoni a conquis la scène internationale en remportant l’un des prix les plus prestigieux de la photographie : le World Press Photo 2025, catégorie « histoires d’Afrique ». Sa série Le lac est devenu silencieux a captivé le jury par sa puissance narrative et visuelle. Un projet engagé, à la croisée des enjeux environnementaux, sociaux et géopolitiques, centré sur le lac Kivu, cadre de vie, mais aussi de tensions entre la RDC et le Rwanda.

Basé à Goma, dans l’est du pays, Aubin Mukoni est pigiste pour l’Agence France Presse et autres organisations internationales. Il incarne une nouvelle génération de photojournalistes congolais. Habari RDC l’a rencontré. Interview :

Habari RDC : Qu’est-ce qui vous a motivé à documenter l’histoire du lac Kivu ?

Aubin Mukoni : Le lac Kivu, c’est un joyau naturel. Mais pour moi, c’est bien plus : c’est un miroir des tensions, des espoirs, des blessures de toute une région. J’ai grandi tout près, et j’ai toujours été fasciné par la vie qu’il abrite et les gens qui en dépendent. Mon projet est né d’un besoin : préserver ces récits, donner à voir et à comprendre la complexité de cette région au monde entier.

Qu’est-ce qui vous a marqué le plus en travaillant sur ce projet ?

Ce qui me touche profondément c’est la résilience des habitants. Malgré les conflits, les difficultés économiques et la pollution qui menace leur santé et leur avenir, ils continuent à vivre, à croire, à espérer. Le lac Kivu est leur source de vie,  mais aussi un espace de mémoire et de résistance.

Votre série aborde des enjeux géopolitiques sensibles. Comment avez-vous traité ces dimensions ?

J’ai voulu montrer l’interconnexion entre les crises : celles liées aux conflits armés, à l’exploitation des ressources, et celles liées à l’environnement. Tout est lié. À travers mes images, je montre une région fragilisée, mais aussi des communautés debout. Mon objectif, c’est de raconter avec justesse, sans misérabilisme. L’humain reste au cœur.

Quels ont été les principaux obstacles rencontrés ?

L’accès à certaines zones est parfois compliqué à cause de l’insécurité. Il y a aussi la logistique, les conditions de travail très précaires, et le poids émotionnel : voir des réalités dures, jour après jour, ce n’est jamais simple. Mais ces difficultés m’ont poussé à aller plus loin, à faire preuve d’encore plus de respect et d’humilité dans ma démarche.

Qu’a représenté pour vous cette reconnaissance par World Press Photo ?

C’est une immense fierté, bien sûr. Mais au-delà de moi, c’est la voix d’une communauté qui a été entendue. Ce prix donne une visibilité à des histoires souvent oubliées, invisibles. Je me sens investi d’une responsabilité : continuer à raconter, avec sincérité, avec engagement.

Un mot pour les jeunes photographes congolais ou africains qui aimeraient suivre votre voie ?

Restez connectés à vos sujets. Ne cherchez pas à imiter, mais à comprendre et à transmettre. La photographie, c’est un langage. Il faut apprendre à l’utiliser avec respect, avec amour aussi. Plongez dans vos réalités, écoutez, observez, soyez patients. Et surtout, soyez curieux : parfois, il faut savoir s’inviter là où l’on vous attend le moins.

 

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