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« La place de la femme c’est à la cuisine » : sexisme quand tu nous tiens !

« La place de la femme c’est à la cuisine. Fâchez-vous comme vous voulez, je m’en fous. Avec tes diplômes, ta place c’est à la cuisine. Avec ton doctorat, ta place c’est à la cuisine ». Ces propos sont d’un pasteur dont la vidéo est devenue virale sur Internet. Encouragé par des fidèles qui lui font signe de continuer, cet homme estime que la femme ne travaille que parce que « les galères » sont multiples au pays.

Au moment où le monde s’engage en faveur de l’égalité des sexes, limiter la femme au seul rôle de ménagère est inapproprié. Sexisme quand tu nous tiens !

Les extraits de cette vidéo ont été utilisés pour illustrer des situations que certains hommes, misogynes à volonté, estimaient inadaptées à la condition de la femme. Dans l’une des vidéos plusieurs fois partagée sur WhatsApp, une femme, qui voulait aider les hommes à mieux construire un pont, est tombée dans le ravin qu’on voulait couvrir. Dans une autre, lors d’une compétition d’athlétisme, une femme à qui on a bandé les yeux quitte la piste et se retrouve à l’extérieur du terrain de jeu. A la fin de chacune des vidéos, les propos du pasteur reviennent tels des refrains : « La place de la femme c’est à la cuisine ! »

Les affres du patriarcat

Que ce soit dans les églises, l’administration ou les ménages, le sexisme semble s’ériger en loi. Alors qu’elles sont dotées de mêmes capacités intellectuelles que les hommes, les femmes sont souvent reléguées au second plan. Les propos du pasteur sont sans doute révélateurs des pratiques courantes dans la société qui l’a vu grandir.

Comme dans plusieurs sociétés patriarcales, le pasteur porte les frustrations d’une société où la femme veut mettre en avant ses atouts. Capable de mettre son intelligence au service du bien commun et de contribuer au développement de la communauté, la femme est souvent obligée à ne faire rien d’autre que la cuisine.

Selon un rapport de l’Unicef, le temps dédié aux travaux ménagers non rémunérés a un impact sur la possibilité pour les femmes de se dédier au travail productif et pour les filles adolescentes de pouvoir poursuivre leurs études et suivre leurs désirs. Pour ONU Femmes, très peu de femmes congolaises ont accès à des emplois décents. Et, en général, les femmes et les filles ont moins accès à l’éducation que les hommes et les garçons. Il y a un taux d’analphabétisme plus élevé plus chez les femmes.

Le même rapport de l’Unicef rendu public en 2021 soulignait que la proportion de filles participant aux activités domestiques était plus élevée que celle des garçons pour tous les cycles d’âges. Et deux fois plus importante pour les filles de 12 -17 ans. Ce rapport précise, par exemple, que les personnes en charge de la collecte de l’eau dans le ménage lorsque l’eau n’était pas disponible sur place étaient en général les femmes et les filles ; respectivement 75% et 11% contre 9% pour des hommes et 4% pour les garçons. Des réalités qui ne permettent pas à la femme de rêver grand.

Quelques exemples des femmes qui réussissent loin de la cuisine

Sur l’Ile d’Idjwi, dans la province du Sud-Kivu, Marcelline Budza a créé Rebuild Women’s Hope, une ONG qui encadre les producteurs du café. Grâce à son implication dans la communauté, les revenus des agriculteurs sont passés de moins de 50 dollars américains par mois à plus de 120 dollars. Également, Marcelline a construit une maternité, des bornes fontaines et une maison des femmes qui permet aux femmes de se former et d’exercer des activités dans des domaines tels que l’agriculture, la pâtisserie, etc.

Survivante de violences sexuelles, Julienne a suivi une formation en bijouterie. Basée à Bukavu, elle forme les autres survivantes au métier de bijoutier et permet à celles-ci de réussir leur réinsertion sociale. A 2000 kilomètres de là, Tysia Mukuna a créé La Kinoise, une marque de café qui permet de transformer le café congolais localement et de créer des emplois pour la communauté.

Dans les mines, Chantal Kanyinda est à la tête de Glencore, une des grandes entreprises minières du pays qu’elle dirige depuis des années maintenant. Sans être exhaustifs, ces exemples démontrent que, loin de la cuisine, la place de la femme est aussi dans un bureau, dans une mine, dans le business, dans la philanthropie, etc. Contredisant les stéréotypes, les femmes apportent des solutions innovantes aux problèmes de leurs communautés.

Dans une société appelée à promouvoir l’égalité des chances, prendre à la légère les propos du pasteur c’est accentuer les violences à l’égard des femmes. Capitaine de l’armée congolaise, Saleh ne supportait pas que sa femme travaille. A plusieurs reprises, il avait marqué sa désapprobation et promettait de tout faire pour qu’elle arrête de se rendre à son lieu de travail. Il finira par lui tirer une balle dans l’abdomen. Que de destins brisés par un mari pour qui le travail d’une femme n’est que futilité. On lui avait surement dit que la place de la femme est à la cuisine.

 

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