Je suis sidéré de voir les autorités congolaises accueillir en triomphe le chef de guerre Gédéon Kyungu. Cela m’a fait penser à la fable de La Fontaine, « Les animaux malades de la peste« . Kyungu Mutanga, alias Gédéon, qui a tué, violé et pillé pendant des années, est soudain devenu, aux dires tacites des autorités, un saint.
Haro sur les baudets, sur ceux qui ont manifesté le 19 et le 20 septembre dernier à Kinshasa ! Pour rien au monde, les arrestations étaient seules capables d’expier leur forfait : on le leur fit bien voir ! Parce qu’ils ont tué des policiers, incendié des bâtiments des partis au pouvoir…
Mais il est vrai qu’on a aussi tiré sur les manifestants, à balles réelles, faisant plus de quarante morts. Mais qu’importe ! Il est vrai aussi qu’on a incendié les sièges des partis politiques de l’opposition. Oh ! La mince affaire ! Ceci me fait penser à Jean de La Fontaine, dans « Les animaux malades de la peste » :
« Selon que vous serez puissant (de la majorité) ou misérable (de l’opposition), les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » ! Tuez quatre policiers, on vous mettra en prison. Tuez des citoyens civils (peu importe leur nombre), on vous amnistiera. Au nom de la paix, la justice s’arrête.
L’injustice au nom de la paix
J’ai entendu une grande personnalité proche de la majorité dire sans ambages, sur les antennes de radio Okapi : « Quand la politique entre par la porte, la justice sort par la fenêtre » ! Autrement dit, la justice a été chassée de ce pays par la politique. Au nom de la paix ! Mais la paix est-elle concevable sans la justice ? Et il paraît que la justice est indépendante dans notre pays !
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ! Après l’accueil triomphal qu’on a réservé à Gédéon (caravane motorisée et tout le tremblement et tant d’éloges), pourquoi ne pas l’élever au rang de chancelier de l’ordre national des héros Lumumba-Kabila ? Un héros de plus ! De quoi inciter d’autres forbans à lui emboîter le pas ! Mais que dis-je ? C’est chose faite ! Il y a déjà un émule de Gédéon au Kasaï oriental en la personne du chef Kamuena Nsapu, qui sème la terreur et la désolation dans cette partie du territoire national, incendiant allègrement postes de police et postes des FARDC sans riposte significative.
Coriaces, efficaces et dissuasifs, nos services de sécurité savent disperser, réprimer la moindre manifestation de l’opposition. Mais curieusement, ils paraissent dépassés par les événements quand il s’agit des vraies questions de sécurité comme l’est de la RDC, transformé en enfer par de grands rebelles depuis… vingt ans (seulement ?)…