Le prix réel du passeport congolais pose toujours problème

L’obtention d’un passeport ordinaire à Kinshasa ressemble à un combat de gladiateurs. Les démarches sont longues et le prix flottant. Pourtant, dans un pays qui ne dispose pas de carte d’identité depuis plus de 20 ans, ce document est plus qu’un simple papier de voyage. Il est aussi un tenant lieu de carte d’identité.

Depuis novembre 2020, un passeport ordinaire de la RDC coûte officiellement 99$, répartis comme suit : 50$ pour l’autorité contractante et 49$ pour l’Etat congolais. Pourtant dans les faits, il faut débourser jusqu’au double, voire plus, pour obtenir son passeport à Kinshasa.

Tout commence à la banque pour l’achat du formulaire. Ici tout est « clean » !  Le formulaire est bien vendu à 99$. Seulement, les agents de sécurité ont créé un business parallèle.

Corruption, tracasseries…

Alors que j’accompagne une amie dans ces démarches, le garde de la banque ayant remarqué la raison de notre visite nous lance : « Avec un 2.000FC (1$, NDLR), je vous fais passer avant tout le monde. » C’est à prendre ou à laisser.

Le refus de cette offre généreuse a des conséquences : des heures d’attente dans les banques kinoises. « On est presque obligé de payer. Dans certaines banques, ce sont les enchères. Celui qui paie plus est prioritaire », témoigne un homme rencontré sur place.

Même scénario à l’ANR

Après l’obtention du formulaire, c’est l’étape de l’identification à l’Agence nationale de renseignements (ANR). Pour mon amie qui est à sa première demande de passeport, l’étape est incontournable. Elle doit être fichée dans le système. Ici, le prix varie selon les humeurs. Officiellement, il faut payer 10$. Malheureusement, la réalité est tout autre. C’est à la grille que commence le monnayage du service.

A l’intérieur, l’identificateur n’est pas saint non plus. « Prépare mon petit pourboire », lance-t-il à mon amie qui lui présente 3.000FC. « C’est insuffisant ! D’ailleurs je suis en train de t’aider. Tu ne connais même pas tes origines. Ajoute 10$, je te rends service », rétorque-t-il. Finalement, le « deal » est conclu à 15.000FC, soit 7,5$.

C’est le requérant qui achète l’encre !

Au prélèvement des empreintes, il faut cette fois-ci payer pour l’encre et l’alcool du vieux papa, visiblement affaibli par le poids de l’âge. Octogénaire, il ne projette nullement la retraite. « Ma fille, je gagne au moins 50$ chaque jour ici. Si je quitte, je mourrai », explique-t-il à mon amie qui lui passe 5$ pour son encre. Pour cela, elle est traitée en priorité. Comme quoi, l’argent est capable des miracles.

L’étape de l’ANR franchie, vient alors celle plus complexe : la capture. Juste en arrivant au Centre de capture, on se rend compte de la bataille à mener. Ce jour-là, on est plus d’un millier à se bousculer dans la cour du ministère des Affaires étrangères, tant pis pour le Covid-19.

25 dollars pour être reçu en priorité

Une femme se présente devant nous. « C’est pour la capture ? Je peux vous aider », lance-t-elle. Mais elle fait une annonce formidable. Elle dit : « Avec 10$, on fait votre capture cette semaine. Avec 15$ je me débrouille et on le fait aujourd’hui. Mais si vous me payez 25$, je vous fais passer en priorité ! » Finalement, l’amie décide de payer 7$. Sur place, un homme offre 25$, il est « capturé » le quart d’heure d’après. Pour mon amie, la capture intervient finalement 8 jours plus tard, grâce à la dame qui a fait le suivi, moyennant 15$.

Au bout de 3 semaines et un peu plus de 150$ dépensés, l’amie a pu recevoir son passeport.

Certaines personnes m’ont avoué avoir dépensé jusqu’à 300$ pour retirer leur passeport express. « Un ami m’a aidé. Nous avons acheté le formulaire lundi, aujourd’hui vendredi j’ai mon passeport. Cela m’a coûté 290$ sans compter les frais de transports », nous a rapporté une requérante.

Pour les plus intègres, ils peuvent toujours payer 109$, 99 pour le formulaire et 10 pour la capture. Sauf qu’il leur faudra attendre des mois pour être servis. En espérant que l’Etat guérisse la plaie, chacun a le choix.