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Harcèlement sexuel : un crime banalisé en RDC

L’affaire du producteur américain de films Harvey Weinstein est venue rappeler au monde qu’il existe une forme de violence sexuelle aussi pernicieuse que les autres : le harcèlement sexuel. Cela est d’autant plus pernicieux que les victimes n’ont même pas conscience qu’elles font face à l’un des problèmes les plus graves de l’humanité. Quelques femmes ont accepté de témoigner et cela m’a donné à comprendre ce qu’est le harcèlement sexuel dans notre pays, la République démocratique du Congo.

Encore faut-il savoir ce que l’on entend par harcèlement sexuel pour prendre conscience des problèmes qu’il pose ou pour engager un débat sincère dans la société. J’avoue que moi-même, j’ai toujours eu du mal à réaliser en quoi consiste ce problème. La loi congolaise classe le harcèlement sexuel parmi les 16 crimes de violences sexuelles passibles de peines de prison. Mais cette loi n’explique pas vraiment ce qu’est l’infraction de harcèlement sexuel. D’où la tendance à la négation de l’existence même de ce problème, surtout dans nos pays où l’arsenal juridique n’est pas à la hauteur.

Il aura fallu que j’insiste pour que les victimes acceptent enfin de parler. C’est vous dire combien leur parole est prisonnière. Les quelques témoignages recueillis ont beaucoup de points en commun : une femme contrainte de supporter les avances quotidiennes d’un homme ayant autorité sur elle ou encore une jeune fille qui entend chaque jour dans la rue des commentaires déplacés à propos de son physique.

« T’es vraiment bonne à baiser, toi ! »

Pour Eveline, une jeune femme de Kinshasa, le harcèlement est « un breuvage amer » qu’elle est obligée de prendre quand elle fréquente certaines rues, même pendant la journée. Un jour, elle se rendait à son boulot quand deux ouvriers de chantiers lui ont crié : « Ouais ! T’as un joli petit corps. » Pour finir, l’un d’eux lui a même lancé : « T’es vraiment bonne à baiser, toi ! »

L’autre témoignage est celui de Grâce, 28 ans. Elle vivait chez son oncle qui n’avait eu de cesse de la harceler au point de lui avoir demandé un jour de se présenter devant lui toute nue. « Il se faisait tard. Sa femme et ses enfants étaient sortis depuis deux heures. Et je me souviens que la veille, il a promis de me laisser en paix si je lui laissais voir ma nudité. Sans le vouloir, j’ai fini par céder », regrette Grâce qui s’est finalement résolue à quitter la maison de son oncle peu de jours après.

Un fléau au même titre que le viol

Si le législateur congolais a voulu faire une liste de crimes sexuels passibles de peines de prison, c’est parce que leurs conséquences sur les victimes sont indéniables et peuvent aller du manque d’estime de soi au suicide. Je pense que le harcèlement sexuel est aussi dévastateur que le viol.

Dans un pays comme la RDC connu pour les innombrables cas de viol commis au nom de la guerre, l’existence de crimes de harcèlement sexuel est inévitable. D’autant plus qu’un crime peut être le prélude à un autre ou la suite d’un autre, tout dépend du coupable. Je pense qu’il faut avoir le courage de dénoncer les harceleurs, tout autant que les violeurs, sans s’enfermer dans la peur du regard rieur ou accusateur des voisins.

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Les commentaires récents (2)

  1. Bel article; il est aussi important que les femmes s’émancipent de cet emprisonnement mental en sachant réagir conséquemment tant verbalement que physiquement lorsque harcelées… La vraie libération ne viendra que d’elles..