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René Batukaku raconte la difficulté d’être artisan à Kinshasa

A 71 ans, René Batukaku croit en l’avenir de l’artisanat africain. Son métier : fabriquer des liboka (mortiers). L’atelier de René est installé à l’ouest de Kinshasa, en plein air, sur la route de Matadi dans la commune de Ngaliema. L’homme a 20 ans d’expérience dans son métier.

Ce qui dérange René Batukaku en RDC c’est le manque d’occasions pour les artisans de promouvoir leurs productions. Cet entrepreneur artisanal raconte ici son quotidien en photos.

René se repose après une dure journée

Le courage face au mépris quotidien

Tout en faisant son travail, Batukaku se plaint du regard méprisant dont il est souvent victime, lui et ses compagnons artisans. « Beaucoup nous prennent pour des personnes inutiles dans la société. Pourtant, presque tous les ménages utilisent au quotidien les pilons et les mortiers qui sont les produits de notre labeur et de notre sueur », s’étonne-t-il.

« Bien sûr, je n’ai pas de quoi me payer un véhicule, mais grâce à mon travail, mes sept enfants ne manquent jamais à manger et ils ne sont jamais des sans-abris », explique ce vieux monsieur plein d’énergie.

M. René dans son atelier en train de travailler un morceau de bois pour lui donner la forme d’un mortier

La genèse d’une passion

À l’époque où il était jeune et plein de projets, René a été déçu par une entreprise d’importation de bois. Courageux, il s’est servi de l’expérience acquise pendant son court séjour dans cette entreprise pour se forger une carrière d’artisan en solo. « Avec mon petit salaire dans cette entreprise de bois, je me suis décidé à me lancer seul dans l’artisanat que m’avait appris mon père », raconte-t-il. Et d’ajouter : « Au départ, je fabriquais des jouets, des œuvres d’arts et autres gadgets en bois. Mais j’avais remarqué que le mortier est un outil par excellence dans la cuisine congolaise. Je m’y suis spécialisé, et depuis, je ne fais que ça. Je fais rarement autre chose. »

D’un air sérieux, René Batukaku jure presque : « C’est un métier très dur, mais jusqu’à mes derniers jours sur cette terre, c’est le seul métier que je ferai car il me tient toujours à cœur. »

René soulève son mortier en chantier afin d’aller le polir de l’autre côté de son atelier

De simple morceau de bois à mortier, un long processus

Pour obtenir les mortiers et les pilons que nous utilisons au quotidien, le vieux René fait passer le bois par plusieurs étapes et transformations. « J’achète du bois noir comme matière première, dit-il. Après l’avoir travaillé, je le transforme petit à petit en produits finis. Je produis en moyenne, un mortier par jour », explique cet artisan. Certes, la production est peu rentable, mais elle lui permet de faire vivre sa famille.

Les mortiers prêts à être utilisés sont transportés par
Daniel, le fils de René qui se charge de les proposer à chaque ménage en faisant du porte-à-porte

L’économie congolaise est dominée par le minerai et le commerce d’importation. Dans cet environnement très commercial, le secteur de l’artisanat se cherche et se bat pour survivre avec les moyens du bord. Le gouvernement devrait aider les artisans congolais à s’organiser en coopérative ou en agence nationale de l’artisanat, comme l’ont fait les pays voisins. Cela pourrait devenir un établissement public à caractère industriel et commercial qui permettrait aux artisans congolais de produire et d’écouler leurs produits.

Sous d’autres cieux, des galeries dédiées à l’artisanat sont érigées. Ce qui facilite la vente des produits et fait la promotion de la culture locale. Dans notre pays, par contre, les artisans sont abandonnés à eux-mêmes, sans un minimum d’accompagnement. J’espère que le vieux René Batukaku ne mourra pas sans voir ce rêve se réaliser : la construction d’une galerie dédiée à son métier, sa passion. Les jeunes doivent aussi apprendre de l’expérience de cet homme avant qu’il ne quitte la terre. L’adage africain ne dit-il pas : « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » ?

En attendant, ce vieillard plein d’ambitions poursuit sa mission sous la chaleur de Kinshasa. Il n’a pour seule protection, ses jolies paires de lunettes de soleil.

René assis en train de prendre l’air avant de procéder au polissage du mortier qui est presque terminé

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Les commentaires récents (0)

  1. Belle histoire de plus; M. Batukaku peut aussi regrouper d’autres artisans comme lui afin de se constituer en associations pour développer des projets communs à impact plus émancipé.