Corneille Nangaa a enfin débité « ses vérités ». L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante a fait part, dans une communication publiée samedi, d’un « accord » conclu entre le président Tshisekedi et son prédécesseur pour « favoriser » la première passation de pouvoir sans effusion de sang. En des termes clairs, Nangaa reconnait avoir faussé les résultats de l’élection présidentielle au profit d’un candidat.
Le 20 septembre à New-York, Félix Tshisekedi rappelait que sa victoire à l’élection de 2018 n’a pas été un résultat volé. « Il n’y a jamais eu d’arrangements frauduleux entre moi et mon prédécesseur », a juré le président congolais, prenant à témoin Raymond Tshibanda et Néhémie Mwilanya, deux proches collaborateurs de Joseph Kabila.
Seulement voilà, cette version ne convainc pas Corneille Nangaa, celui-là même qui, en sa qualité de président de la Céni, avait eu la charge d’annoncer le nom de Tshisekedi comme gagnant de l’élection. « Il a simplement menti et il le sait », a répliqué Nangaa qui vit désormais en exil. Selon lui, il existe « bel et bien » un accord politique qui « a précédé la publication des résultats définitifs ». Corneille Nangaa a d’ailleurs argué être un des corédacteurs de cet accord « inaltérable » et « signé devant témoins par le président Tshisekedi et son prédécesseur ».
Toujours selon l’ancien président de la Céni, l’« Accord pour la stabilité de la RD-Congo » a même été certifié et validé par trois chefs d’États africains qui ont ensuite félicité Tshisekedi et Kabila pour ce « compromis ».
De vieux débats ressuscités
« Compromis », ce terme n’est pas sans rappeler le débat qui a suivi la proclamation des résultats de l’élection de 2018 quand Jean-Yves Le Drian, alors ministre français des Affaires étrangères, avait parlé d’un « compromis à l’africaine » pour qualifier la victoire de Félix Tshisekedi. En mars dernier, alors de passage à Kinshasa, le président français Emmanuel Macron en avait remis une couche : « On sait le contexte électoral… » Une position qui ne semble pas loin des revendications de Martin Fayulu en rapport avec la « vérité des urnes ».
La sortie de Corneille Nangaa, chef cuisinier de la présidentielle de 2018 et qui en détient les secrets de la recette, pourrait à plusieurs points faire foi. Cependant, l’on est en droit de s’interroger sur le timing : pourquoi maintenant, à quelques trois mois d’une nouvelle élection ? Aussi, l’autre interrogation et certainement la plus importante, c’est la motivation même de Nangaa. Bien que reconnaissant entre les lignes avoir faussé les résultats d’une élection, Nangaa n’exprime aucunement un remord dans sa communication qui est tout sauf une repentance.
L’ancien président de la Céni semble banaliser un sujet aussi important que la désignation de la plus haute personnalité du pays. En parler avec une telle légèreté parait comme un crime contre le peuple congolais.