Les discussions censées préciser les termes de l’accord sur la transition s’allongent en RDC. La médiation catholique, la CENCO, montre des signes de fatigue. Pourtant, certains l’accusent d’avoir facilité la prolongation du mandat de Kabila visé par un carton rouge. Autre question d’actualité : le revirement de l’Ouganda pour avouer la fuite d’ex-combattants de la rébellion du M23.
« A quel jeu joue Kampala ? », interroge Le phare, quotidien de Kinshasa. Ce média s’étonne que l’Ouganda change de position 48 heures seulement après avoir nié la fuite des rebelles du M23 de son territoire. Il accusait même Kinshasa de tenter de détourner l’attention sur Kabila en parlant d’une rébellion fictive. Le Phare conteste même les chiffres avancés :
« On se souvient qu’au moment de leur défaite militaire, en octobre 2013, le nombre de ceux qui se seraient réfugiés en Ouganda, sous le commandement du colonel mutin Sultani Makenga, ne dépassait pas 200 unités. Il est dès lors bizarre d’apprendre qu’en dehors la centaine d’éléments interceptés, il y en aurait 270 au camp de Buhanga, sans compter les deux cents assaillants signalés par le gouvernement congolais du côté d’Ishasha, au Nord-Kivu. Mine de rien, c’est comme si les ex-combattants M23 formeraient déjà un bataillon. Kampala devrait expliquer à Kinshasa le gonflement subit des effectifs de ces hors-la-loi. »
Sur Twitter, la controverse a parfois été grande. Quand le gouvernement annonce l’incursion du M23 en RDC, l’ONU dit n’avoir rien trouvé. « #RDC #Ouganda #M23 » : « Toujours aucune trace d’ex-M23 sur le sol congolais, c’est ce que disent des sources militaires congolaise et onusienne », annonce la journaliste Sonia Rolley de RFI.
#RDC #Ouganda #M23 : toujours aucune trace d’ex-M23 sur le sol congolais, c’est ce que disent des sources militaires congolaise et onusienne
— Sonia Rolley (@soniarolley) 17 janvier 2017
Le compte du juriste Firmin Ynagambi, emprisonné à Kinshasa, publiait : « #RDC. Museveni et son frère Kagamé engendrèrent AFDL, AFDL engendra PPRD, RCD et leurs frères CNDP, M23. Ce conglomérat est notre péril. »
#RDC. Museveni et son frère Kagamé engendrèrent AFDL, AFDL engendra PPRD, RCD et leurs frères CNDP, M23. Ce conglomérat est notre péril.
— Firmin Yangambi (@FirminYangambi) 16 janvier 2017
Mais lorsque l’Ouganda reconnaît la fuite de 40 ex-combattants et la tentative d’une centaine d’autres, Twitter donne l’impression de tarir de commentaires à ce sujet. Le nouveau leader de la Dynamique de l’opposition, Pierre Lubaya, ironise quand même : « Après la victoire des Léopards sur le Maroc, la nation entière attend celle des FARDC contre le M23 si et seulement … »
Après la victoire des Léopards sur le Maroc, la nation entière attend celle des FARDC contre le M23 si et seulement … pic.twitter.com/lRZSDdKPZk
— LUBAYA Mwena Congo (@LUBAYAMwenCongo) 16 janvier 2017
A propos du dialogue politique en RDC
Pendant ce temps, les discussions censées trouver les termes de la mise en œuvre de l’accord qui ouvre la transition patinent. Majorité et opposition se rejettent la responsabilité du blocage. Deux faits divisent : le choix du premier ministre, pour lequel la Majorité veut une liste de cinq personnes, pas un seul candidat.
« La famille politique du Président de la République accuse l’Opposition/Rassemblement de gloutonnerie en ce qui concerne le partage des postes au sein du Conseil national de suivi du compromis politique global du 31 décembre 2016. A ce sujet, elle invite le président du Comité des sages du Rassemblement à peser de tout son poids, en vue d’éviter au pays de replonger dans le chaos concernant notamment le processus électoral », écrit Le Phare.
La question clive et s’enlise au point que Vital Kamerhe, silencieux depuis des semaines, sort de son silence et renvoie dos-à-dos Majorité et Opposition. « Nous prenons beaucoup de temps pour discuter de nos positionnements personnels », rapporte Radio Okapi. Il poursuit : « Le travail à faire n’est pas facile. C’est ainsi que le Rassemblement et la MP sont en train d’arrondir les angles sur la question de responsabilisation des animateurs des institutions ou des postes ministériels. Nous sommes en train de fatiguer les évêques. »
Fatiguer les évêques, en effet ! La semaine dernière, ils ont donné jusqu’à samedi 21 janvier pour achever les discussions qui durent plus que prévu. « Les princes de l’Eglise catholique n’ont eu de cesse de lancer un appel de cœur aux politiques », commente le journal La Prospérité de Kinshasa. Il continue, citant le porte-parole de la CENCO, l’abbé Nshole :
« Les parties prenantes nous ont dit qu’ils n’ont pas encore fini de discuter, et nous, on a pas à dicter aux politiques. Nous reportons donc la plénière pour demain samedi à 13 heures, et nous leur demandons de tenir compte de la misère de la population, avec l’instabilité de notre économie. »
Le temps passe et, désormais, certains doutent que les élections se tiennent réellement en 2017. Tant mieux pour Joseph Kabila qui passe ainsi du carton rouge qui le visait en décembre 2016 à une prolongation sans trop de danger.
C’est ce que remarque le journal français Le Point pour qui la RDC vit dans l’expectative (l’attente de promesses quelque peu irréelles). Il cite ces propos d’un universitaire de Kinshasa, visiblement déçu par la tournure qu’a pris le pays. La médiation des évêques catholiques aurait simplement aider à favoriser Kabila, pense un universitaire de Kinshasa que cite Le Point :
« On était dans un processus de mobilisation populaire qui allait aboutir et mettre fin à un système. Mais ce mouvement, semblable à celui du Burkina Faso qui a chassé Blaise Compaoré, a fait peur. On a brandi le spectre du chaos et face à cette menace, toutes les forces politiques sont entrées dans le jeu. Mais les Congolais vivent le chaos au quotidien depuis des années. On veut sauver la paix, mais il n’y a pas de paix depuis vingt ans. Dans l’est de la RDC, c’est la guerre avec arme et dans l’ouest, c’est une guerre sans arme. La situation sociale est telle que personne n’est en paix. On a l’impression que l’Église catholique n’a eu pour rôle que d’éteindre le feu et de faire passer la pilule. C’est comme si cette grande puissance ne voulait pas d’un soulèvement populaire qui mettrait fin à un régime comme celui-ci. »
La semaine qui commence sera peut-être celle de l’épilogue de ces discussions qui semblent s’éterniser. La patience finira-t-elle par payer ? Patience !