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A qui le peuple répond-t-il vraiment en RDC ? 

Tous se plaisent allègrement à le chanter. C’est l’air du temps ! Ou mieux, la rengaine qui mobilise, le bain de vigueur et souvent le phare qui charrie toutes les manigances. C’est aussi une nouvelle donne dans la sinueuse crise politique congolaise : la présomption d’avoir le peuple sous son contrôle et d’incarner ses aspirations. 

Tous le revendiquent et personne n’en démord. L’opposition autant que la société civile ainsi que la majorité présidentielle se prévalent chacune de représenter le peuple, d’en être le symbole, d’agir en son nom, de cristalliser ses préoccupations, ses craintes les plus profondes et ses espoirs les p8lus ultimes, d’avoir son mandat, son feu-vert. Et elles s’appliquent à le prouver.

Pauvre peuple, pris au dépourvu !

Le peuple, tel un faire-valoir, un support de légitimation, fait recette, et la prétention de l’incarner est devenue un gros enjeu. Si hier on s’opposait manœuvres et argumentaires, aujourd’hui on oppose aussi le peuple à l’adversaire. On rivalise de stratégie pour le mobiliser à son compte. On rivalise grâce aux masses de gens qu’on sort dans la rue… Pauvre peuple !

Ainsi, il m’apparaît parfois sous la forme d’une arme, parfois sous l’aspect d’une meute, parfois sous celle d’une troupe poltronne et… souvent et surtout, sous l’air d’une masse résignée. Pour les uns, le peuple est ces milliers qui obéissent à l’appel à battre le pavé, pour les autres le peuple est ces autres milliers qui boycottent cet appel. Dans ce Congo millionnaire de ses fils, tout est peuple désormais. Chacun se flatte de le voir où il veut et dans les proportions qui ne comptent que dans sa propre estime. Qu’importe la représentation ! Qu’importe les motivations ! Au Congo comme ailleurs, la question obsède. Après tout, comment prendre du recul ? L’heure est grave. La crise donne le tournis.

Le peuple oublié : la majorité silencieuse

Pourtant, au-delà de quelques milliers de Congolais qui s’expriment publiquement pour soutenir les uns ou pour fragiliser les autres, des milliers d’autres Congolais, et ils sont les plus nombreux, ne se sentent nullement concernés par les prétentions de légitimité populaire des uns et des autres. D’ici comme d’ailleurs, ils constituent la majorité silencieuse, celle qui ne s’abuse plus du triomphalisme de ceux qui prétendent l’incarner ; celle qui ne manifeste pas publiquement, qui ne parle pas aux médias et que ceux-ci n’entendent probablement pas ou ne veulent pas entendre ; celle qui ne trouve mieux que de parler à elle-même dans le dialogue social, dans l’anonymat et l’incertitude des sentiers et des rues.

Cette majorité silencieuse est encore celle des abusés, des déçus, des résignés qui ont cessé de croire à la politique, qui ne s’estiment plus pris en compte et qui se considèrent étrangers à l’usurpation de tous ces élans des rues et des meetings faits en son nom. Elle est aussi le symbole de tous ces Congolais qui croupissent dans une misère des plus sombres, ceux qui ne s’enthousiasment plus d’appeler instamment ni au départ d’un diable ni à la venue d’un messie, mais qui ne demandent que de se voir assurer un minimum vital et la paix. Et cette majorité-là, ne répond à personne.

L’expérience et la désillusion lui ont appris non seulement la vanité de la lutte et de la confiance, mais aussi la vacuité de la parole politique. Elles l’ont finalement rendue résignée. Une résignation, qu’à tort ceux à qui elle semble parfois profiter, s’empressent de revendiquer comme un soutien. En lisant et en écoutant la presse d’ici et surtout d’ailleurs, on serait tenté de croire que tout le monde rêve et discute de pouvoir au Congo. L’obsession du pouvoir est une lutte éminemment entre politiques, brodée de manipulation populaire.

 

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