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A Rutshuru, la terreur des kidnappings

Depuis quelques mois, des centaines de personnes fuient leurs villages à Rutshuru dans la province du Nord-Kivu. Face à cette recrudescence des enlèvements par les milices qui demandent ensuite des rançons, une seule solution : fuir. Habari RDC a rencontré un ancien otage. Témoignage.

Dans cette partie de la RDC où des groupes armés imposent leurs lois, le kidnapping est un nouveau mode opératoire qui permet aux milices de financer leur mouvement. Les villageois sont les premières victimes. Certaines familles sont contraintes de vendre tout ce qu’elles possèdent. En cas de refus du paiement de la rançon, les otages risquent leur vie.

Visage serein et teint clair le jeune Kasé, la trentaine, a été otage pendant trois jours dans la brousse à Rutshuru. Il a réussi à s’échapper. Aujourd’hui en fuite à Goma, il raconte son kidnapping tragique.

« C’était un samedi en octobre 2016. Ce jour-là, j’étais dans mon champ de Kahunga, à la périphérie de l’agglomération de Kiwanja. Alors que je rentrais chez moi après le travail, trois hommes armés m’ont attaqué.

L’un d’eux m’a demandé de l’argent. Rapidement, je lui ai donné mes 2000 FC en poche. Mais c’était insuffisant. Ils m’ont demandé de les suivre pour voir leur chef afin de lui demander s’ils devaient prendre cet argent. Voilà comment j’ai été enlevé !

Après deux kilomètres de marche en direction du parc national des Virunga, nous nous sommes arrêtés dans la forêt. J’ai été menotté avec d’autres otages rencontrés sur place. Puis vers 19 heures, ils m’ont demandé combien je pouvais payer pour ma libération.

Pieds et torse nus, je leurs ai promis 200 $. Un autre otage proposait 100$. Mais ils ont refusé et exigeaient 5 000 $ chacun. Ils promettaient qu’on serait égorgé le lundi matin si la somme n’était pas réunie. C’était un enfer. Nos mains liées et les jambes allongées sur de l’herbe fraîche, ils nous fouettaient toute la nuit alors qu’il pleuvait.

Un ongle m’a été arraché par un coup de fouet. Mon sang coulait comme de l’eau. La toilette se faisait sur place. Les nuits semblaient interminables. Les contacts avec nos familles étaient en cours pour négocier le paiement des rançons. Mais il était difficile de trouver l’argent dans l’urgence…

Entre temps, la souffrance augmentait de plus en plus. J’étais envahi par la peur. Dans mon esprit, je me voyais en train d’être égorgé.

Nos téléphones portables étaient toujours ouverts, entre leurs mains. Il fallait parler en pleurant pour marquer l’attention de nos familles pendant les négociations téléphoniques. Ma famille a réussi à réunir la somme de 300 $. Mais elle a été refusée. Les bandits nous ont déplacés deux fois pendant les nuits. Le jour de notre exécution arrivait à grands pas.

La nuit avant mon exécution, mes bourreaux ont beaucoup dormi. Dans la souffrance, moi, je n’arrivais pas à fermer l’oeil. Puis soudains, vers minuit, comme par miracle, je sens que la corde liant mes mains se desserre un peu. Je réussi à me libérer et je décide alors de fuir. C’était choisir entre la vie et la mort. Je n’avais pas le choix.

Je me suis levé discrètement pour sortir de leur périmètre en silence. Mais avant, j’ai prié Dieu de me sauver de ce gouffre. Une fois hors de danger, j’ai pris la fuite. J’ai dû m’arrêter dans la nuit pour me reposer et le matin vers 6 heures, épuisé, quelques paysans m’ont aidé pour retrouver le chemin du retour. J’ai enfin pu rentrer chez moi. »

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Les commentaires récents (2)

  1. Alarment pour une nation responsable! Qui est ce papa qui peut entendre crier ses enfants au sécours, mais reste assis dans son fauteil?