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Arrêté car jugé coupable de « faux bruits »

Le cadre juridique d’un pays doit s’adapter aux évolutions politiques, constitutionnelles et sociales. Pourtant, le Code pénal congolais qui date de 1940, modifié et complété le 30 novembre 2004, ignore ce principe. Tel est le cas de son article 199 bis relatif au « faux bruits ». Beaucoup sont arrêtés sous ce prétexte.

L’article 199 du Code pénal stipule : « Quiconque, en répandant sciemment de faux bruits de nature à alarmer les populations, à les inquiéter ou à les exciter contre les pouvoirs établis, aura porté ou aura cherché à porter le trouble dans l’État, sera puni d’une servitude pénale de deux mois à trois ans et d’une amende. »

A priori, il n’y a rien d’anormal dans cet article. Mais quarante-deux ans après l’indépendance de la RDC, cette disposition est utilisée pour restreindre l’information et la liberté d’expression. Beaucoup de journalistes et de jeunes activistes ont été interpellés et mis aux arrêts au nom de la propagation de faux bruits. Les web activistes en sont les principales victimes. Ce constat est partagé par un rapport des Nations-Unies publié en décembre 2015 et qui a répertorié 41 cas d’atteinte à la liberté d’expression.  

Que veut dire « propagation de faux bruits » ?

On note une certaine ambiguïté dans la formulation de l’article 199 bis. Aucune définition précise du « faux bruit » n’y est donnée. Le législateur a glissé cette expression dans le Code pénal, sans en préciser le sens exact. Ces deux mots laissent le champ libre à une interprétation très arbitraire du détenteur du pouvoir qui peut l’utiliser pour nuire comme bon lui semble et selon ses intérêts. Ainsi, n’importe qui peut qualifier de « faux bruit » toute information qui sonne mal à ses oreilles ou qui dénonce les abus du régime, etc. L’auteur d’une telle information est alors mis aux arrêts.

On se souviendra que les journalistes du journal le Phare ont été victimes de cette disposition il y a quelques années. Vivons-nous encore sous un régime dictatorial comparable à celui de la colonisation belge pour accepter une telle disposition ? Cet article est-il encore en phase avec l’évolution du monde et les règles de base édictées par le droit international contemporain ?Personnellement, il me semble que non.

Chaque individu a évidemment le droit d’être protégé de la rumeur. Mais la formulation très ambiguë de l’article 199 bis restreint les droits humains, pas plus qu’il ne garantit la liberté d’expression. Il doit donc être abrogé parce qu’il constitue un frein et un danger pour l’évolution démocratique de notre pays. A défaut d’une abrogation totale, le législateur devrait penser à expliquer en détail ce qu’il entend par « faux bruits ».

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