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Chronique du professeur Voto : lorsque le coronavirus nous redressa

Depuis quelques semaines, le coronavirus a imposé sa loi sur notre société, imposant à tous des normes qui hier, étaient difficiles à appliquer. Au-delà de la restriction et du confinement, au-delà de la morbidité et de la mortalité, le coronavirus est venu redresser certains des comportements déviants qui s’étaient profondément enracinés dans les habitudes, au point que même l’autorité publique était incapable de nous redresser. Et pour mettre tous au pas, le coronavirus a préféré entrer au Congo par le haut, s’attaquant aussi bien aux dirigeants qu’au petit peuple, afin que personne ne fasse exception.

Voici donc une liste de nos mauvaises habitudes que le coronavirus a radicalement changées en RDC.

     1. Les meilleurs soins à l’étranger 

Le Covid-19 nous aura appris qu’il ne sert à rien de travailler pour soi, mais plutôt pour la communauté. Nous avions pris l’habitude de nous faire soigner dans de meilleures formations médicales à l’étranger, abandonnant les hôpitaux de l’Etat sans équipements adéquats, sans médicaments. Le personnel délaissé sans rémunération suffisante et parfois sans formation requise.

La dernière scène a été vécue à l’hôpital général de la capitale qui, il y a trois mois, manquait de couveuses et d’un groupe électrogène de secours. C’est un donateur privé qui s’est présenté pour offrir ces matériels à la principale formation médicale du pays. On se souviendra de l’image de ces jeunes médecins tabassés comme des malfrats devant l’immeuble du gouvernement par la police alors qu’ils revendiquaient leur prime. Aujourd’hui, ce sont ces médecins qui vont nous soigner du coronavirus, avec tous les risques.

Fini les avions médicalisés, fini les transferts en Suisse aux frais du Trésor public, fini le transfert en Inde ou en Afrique du Sud où parfois, les Congolais étaient soignés par des médecins congolais, mis dans de meilleures conditions de travail par leur pays d’accueil.

     2. La belle vie à l’étranger

Nous avions pris l’habitude de penser que la belle vie, c’est à l’étranger. Nous avons vécu sur notre propre terre comme des mercenaires. Le Congo, c’est pour chercher l’argent et aller se la couler douce à l’étranger. Avec de l’argent gagné parfois sur le dos d’une population chaque jour appauvrie et au détriment de l’Etat, nous avons acheté maisons et appartements à l’étranger pour y installer nos familles. C’est parce que les maternités congolaises moins équipées n’étaient pas dignes de voir naître nos enfants, c’est également parce que les écoles que nous avons abandonnées n’étaient plus dignes de recevoir nos enfants.

Nous avons préféré installer nos femmes à l’étranger pour mieux profiter des jeunes Congolaises au pays. Et pour entretenir ces différents foyers, nous devions gagner plus d’argent et à tout prix.

Et du jour au lendemain, le coronavirus s’imposa et nous sépara de nos familles qui ne peuvent nous rejoindre et que nous ne pouvons pas non plus rejoindre surtout en ce moment difficile où chacun a besoin des siens. Le coronavirus nous a rappelé que nous sommes tous égaux, Congolais de haut ou de bas, nous sommes tous vulnérables et nous devons tous aujourd’hui nous présenter devant les mêmes soignants, riches et pauvres, dans les mêmes formations médicales que nous avons négligées hier.

Pourvu qu’après le coronavirus nous comprenions que le Congo, c’est notre patrie et que nous devons tous nous investir pour améliorer les conditions de vie pour tous, car on ne peut mieux vivre que chez soi.

     3. Les deuils des fêtards 

Nos deuils étaient devenus des fêtes où l’on venait parader avec ses belles voitures et exhiber ses beaux habits. De la nourriture était même servie aux centaines de participants, et pour que la fête soit complète, on servait à boire et la fête pouvait continuer jusque tard. Tous les bistrots des environs étaient pris d’assaut après l’enterrement. Enterrer un corps était devenu un calvaire pour la famille. Dans une société pourtant appauvrie, enterrer un mort en toute simplicité et intimité familiale était devenu une honte pour la famille qui n’aura pas été capable d’offrir des funérailles grandioses.

Un nouveau commerce a vu le jour à Kinshasa : des services funéraires qui offraient des salles mortuaires, des corbillards et des services de croque-morts à des prix exorbitants. Des services pouvant aller jusqu’à 10.000$, alors que le défunt n’a peut-être pas bénéficié de 500$ de la famille pour se faire soigner. Des corps pouvaient trainer jusqu’à 15 jours à la morgue, le temps de réunir l’argent de la salle, de la nourriture et de la boisson pour au moins 500 personnes.

On s’offrait des mariages avec 300 invités. Les salles mortuaires se transformaient en salles de fêtes, et pour réussir ces réceptions, le jeune époux devait se débrouiller pour trouver de l’argent qu’il n’avait jamais réuni de sa vie, en plus de la dot chaque jour revue à la hausse par les parents des fiancées. Alors que selon les traditions congolaises au nom desquelles certains voudraient résoudre leur problème de pauvreté, la dot est symbolique.
Beaucoup de couples en sont sortis avec des dettes et la vie devient compliquée après le mariage. Alors qu’ailleurs, un mariage peut se dérouler devant quelques amis et quelques membres de la famille.

Qui pouvait nous raisonner pour arrêter toutes ces hérésies ? Même l’Etat était incapable. Il a fallu que le puissant coronavirus arrive pour que tous ces rassemblements irrationnels s’arrêtent. Pourvu qu’après le coronavirus, nous tirions les leçons de la vie.

     4. Le transport en commun hors normes 

Les transports des personnes s’effectuaient à Kinshasa hors des normes acceptables pour des êtres humains. Les bus et autres taxis étaient bondés comme si on entassait du bétail. Et personne n’était capable de régler cette situation. Le taxi-moto, ce nouveau moyen de transport qui s’est imposé à Kinshasa, faute de mieux, s’effectuait également hors normes. Les motards circulent sans permis de conduire et sans casque, les motos sans plaque d’immatriculation pouvaient transporter jusqu’à quatre passagers et passer sous le nez d’un agent de roulage qui faisait semblant de n’avoir rien vu. Les motos taxis pouvaient transporter toute une famille, avec des enfants à bas âge sur le guidon sans que cela n’offusque personne.

Malgré de nombreux accidents qui ont occasionné des morts d’enfants sous les regards des parents, personne n’était capable d’arrêter ce danger permanent. Tout se résumait à la logique de débrouillardise et de misère qui la justifiait, sans penser à la sécurité humaine.

A plusieurs reprises, l’autorité urbaine et la police ont tenté de mettre de l’ordre dans ce secteur mais ils se sont heurtés à la résistance des motards devenus plus puissants que l’Etat. Pourtant, partout ailleurs où les motos font du taxi, cela s’effectue dans le respect de la dignité humaine et de la sécurité des passagers et d’autres usagers de la route. Il a fallu que le puissant coronavirus arrive pour raisonner tout le monde. Pourvu qu’après coronavirus, nous ne revenions pas à la situation d’avant.

     5. Kin la polution sonore 

Malgré la campagne de Kin bopeto qui obligeait les bars et les églises à régler leurs décibels, le tintamarre se vivait partout dans Kin, la ville d’ambiance. Aucun quartier de la ville n’était épargné. Même les quartiers jadis dits résidentiels comme Ma Campagne, Limete ou Rigini, ont été envahis par les Nganda, pompant de la musique jusque tard dans la nuit, empêchant les élèves d’étudier le soir ou les voisins de dormir. Les églises et les bars rivalisaient de puissances sonores, de jour et de nuit, pour attirer plus de monde. Les policiers chargés d’interpeller les responsables de ces bars et églises préféraient des arrangements au lieu de garantir la quiétude des citoyens. Mais c’était sans compter avec le puissant coronavirus qui peut, du jour au lendemain, faire ordonner la fermeture de tous les bars et de toutes les églises. Pourvu qu’à près le coronavirus, l’Etat puisse réglementer définitivement l’usage du son par les bars et les églises, pour l’intérêt de la population.

     6. L’autorité de l’Etat rétablie 

Sans se rendre compte, les Kinois vivaient dans un environnement pollué, hors normes, insécurisé et immoral. Mais au nom de la survie, nous nous étions adaptés à cet environnement. L’autorité publique était dépassée et n’avait aucun contrôle ni sur la population, ni sur sa police. Aujourd’hui, le Covid-19 nous a tous obligés à obéir à l’Etat. Pourvu qu’après cette pandémie, l’Etat reprenne définitivement ses prérogatives pour se faire obéir et changer sensiblement nos conditions de vie.

 

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Les commentaires récents (10)

  1. Cet article est le plus beau que j’aie lu sur la toile.
    Quelle intelligence.
    Je suis complètement abasourdi !
    Bravo.

  2. Cette pandémie n’ Pas seulement un malheur dans la société mais aussi un agent de l’ordre societal
    On pleurera certainement mais on n’ir Pas loin en pleurant.