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Au Congo, bien parler français fait de vous un prince

Dans un bus, alors que je rentre chez moi un après-midi, le receveur aborde ses clients « en français fignolé ». Les gens paraissent surpris qu’avec un si bon niveau de connaissances de la langue française, le jeune receveur fasse l’un des métiers considéré comme des plus ringards de la ville. Mais doit-on uniquement appartenir à une certaine classe sociale pour avoir le droit de parler un bon français ?

Je décide d’engager la conversation avec notre chauffeur. Appelons-le Kanyinda. Il refuse d’être pris en photo, vraisemblablement conscient du regard méprisant porté par la société sur sa profession. Le jeune homme a arrêté ses études secondaires à Mbuji-Mayi, il y a trois ans, pour venir à Lubumbashi. Ses parents ne pouvaient plus subvenir à ses besoins. Les clients l’interpellent souvent, estimant qu’il devrait être un cadre d’entreprise, avec son bon français.

En réalité, je vois dans cette histoire une forme de discrimination à l’égard des populations de classe sociale défavorisée. On les juge illettrées ou analphabètes en jugeant leur apparence ou leur habitat. Une bonne maîtrise du français a curieusement tendance à faire croire qu’on est intelligent et bien né, et que l’on mérite d’importantes fonctions et l’estime de la société, contrairement à d’autres Congolais défavorisés à qui doivent revenir de petits travaux.

« Je ne mourrai pas receveur de bus »

On sait où pareille vision du monde conduit le Congo : c’est vers un pays où vous avez des ministres et hauts fonctionnaires, ou des députés incapables de mieux faire pour leur pays en dehors de leur « long français ». Ils soignent leurs discours, et c’est ce qu’ils offrent de mieux : beaucoup parler. Et lorsqu’il faut agir, le Congo n’a que très peu de gens.  

Kanyinda se dit parfois frustré par les remarques intempestives qu’il reçoit. Il finit par avoir honte de lui-même, et de s’épanouir dans son métier. Mais ces histoires ont éveillé en lui l’espoir que demain il parviendra à accomplir ses objectifs. « Mon rêve est de devenir chanteur et je ne mourrai pas receveur », promet-il.

 


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